Читаем Quelqu'un marchait sur ma tombe полностью

— Adolf, murmura-t-elle, je ne suis pas fâchée d’être seule un moment avec vous.

— Je suis toujours heureux quand nous nous trouvons en tête à tête, Lisa.

« Comme il est calme et maître de soi », songea-t-elle. Elle l’admirait. C’était un homme surprenant qui l’avait toujours déroutée. Il lui faisait songer à un palmier. Il était droit, dur et rugueux, mais le cœur était d’une infinie tendresse.

— Le moment est venu de vous dire merci, murmura la jeune femme. C’est un moment difficile.

Gessler posa sa main soignée sur l’épaule de Lisa.

— Le moment est venu de vous dire adieu, riposta-t-il, c’est un moment plus difficile encore.

Ils restèrent un instant comme pétrifiés. Ils avaient trop de choses à se dire ; des choses qu’ils ne se diraient jamais. Elles leur nouaient la gorge.

— Merci, Adolf, balbutia-t-elle enfin.

— Adieu, Lisa, dit lentement Gessler en retirant sa main.

— Je vous dois tout, fit-elle.

Elle avait le regard brillant et des larmes s’amassaient au bord de ses longs cils.

— Comme vous devez souffrir d’avoir aidé à… à ceci ?

Les larmes escaladèrent les cils de Lisa et tombèrent rapidement sur son visage crispé. Gessler songea que ces deux larmes constituaient une sorte de cadeau très précieux et il aurait voulu les toucher, mais il n’osa pas.

— Je ne regrette rien, affirma-t-il seulement.

Il pensa à Lotte, sa femme, si paisible, si grasse et si fondante, et dont le babillage de perruche ne s’interrompait jamais. Il la voyait à table, s’empiffrant de la nourriture plantureuse. Ou bien au théâtre, dans des atours surannés et clinquants.

— Non, répéta-t-il sur un ton de défi, je ne regrette rien.

— Sans votre aide, objecta Lisa, tout aurait continué comme avant.

— Je sais.

Cet « avant » dont parlait la jeune femme chantait déjà dans le cœur de Gessler la mélancolique chanson des bonheurs perdus. Il eut un moment de désarroi, lui si calme.

— Mais à cause de votre aide, continua Lisa, nous allons devoir nous séparer.

Pourquoi insistait-elle de cette façon ? Pourquoi versait-elle du sel sur la plaie ? Gessler ne pensait pas qu’elle cherchât à lui faire mal par plaisir. Il se dit qu’il n’avait jamais compris grand-chose aux femmes. Elle devait avoir ses raisons.

— Vous êtes un homme magnifique, Adolf.

Il fut gêné et haussa rudement les épaules.

— Mais non, dit-il sèchement ; lorsqu’on ne peut pas conserver ce qui vous échappe, le mieux c’est encore de le donner. Ce n’est pas de la magnificence, c’est de l’orgueil.

Puis, avec une âpreté qui effraya Lisa il lui jeta :

— Adieu, Lisa !

Elle se méprit.

— Vous partez tout de suite ? demanda-t-elle, épouvantée à l’idée de rester seule dans ce vaste bâtiment où flottaient des odeurs indécises d’emballage et de moisissure.

— Certes non, mais je vous dis adieu maintenant parce que les gens ne se disent jamais adieu au bon moment.

Dans un élan elle lui tendit la main. Il la recueillit, la porta à ses lèvres puis la pressa contre sa joue.

— Je ne crois pas beaucoup en Dieu, soupira-t-il, mais que Dieu vous garde, Lisa.

— J’espère que vous n’aurez pas d’ennuis ? fit-elle en le contemplant.

Gessler lâcha la main de sa compagne et défit les boutons de son vêtement.

— En tant qu’avocat de Frank je serai sûrement entendu, mais j’ai si bonne réputation qu’à moins d’une… indiscrétion…

Il eut un rire cassant.

— La police est comme le commun des mortels, vous savez. Elle s’imagine qu’il y a une limite d’âge pour devenir malhonnête.

Elle savait qu’un violent combat se déroulait dans la conscience de Gessler. À la façon dont il avait prononcé le mot « malhonnête » elle put mesurer l’étendue de son désenchantement. L’avocat ne guérirait jamais de son forfait. Elle savait qu’à dater de cet instant son univers de bourgeois intègre allait se dégrader progressivement. Pour le moment, il était en état de crise et le péril encouru masquait toute autre préoccupation. Mais bientôt, lorsque le calme reviendrait, un mal pernicieux, mystérieux et implacable, se développerait en lui.

— Vous m’en voulez ? demanda-t-elle.

— Je n’en veux à personne, assura l’avocat, pas même à moi-même.

— J’ai peur que, plus tard…

Il lui sourit de nouveau et cette fois ce fut un vrai sourire plein de bonté et de tendresse.

— Rassurez-vous : je vais m’empresser de redevenir respectable ; je suis tellement fait pour ça.

— Qu’allez-vous faire lorsque nous serons partis ?

— Mais… rentrer chez moi, dit Gessler. Les bourgeois finissent toujours par rentrer chez eux.

Il rêvassa un moment. La tension devenait si pénible pour Lisa qu’elle se mit à regretter l’absence de Paulo.

— Vous n’avez jamais aperçu ma femme en venant à mon cabinet ? demanda-t-il.

Lisa secoua négativement la tête.

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