Frank arpenta la pièce jusqu’à la verrière. Une lame du plancher craquait à certain endroit. Il se mit à la faire gémir en pressant dessus avec le talon. Le petit cri du bois devenait insupportable.
— Arrête ! implora la jeune femme.
Il cessa de faire craquer la latte, et revint à elle après avoir coulé un regard à l’extérieur.
Le port était calme. La pluie ronflait contre les vitres et le conduit de descente engorgé, produisait un bruit de borborygme.
— Gessler est un honnête homme. Un homme connu, un homme réputé. Et voilà que tout à coup il organise une évasion !
— Il ne l’a pas organisée, rectifia Lisa, il m’a seulement…
Du geste, Frank la fit taire.
— Ça s’est fait comment cette métamorphose ? questionna l’évadé. Hein, Lisa ? Comment l’impensable est-il devenu pensable pour ce magistrat intègre ?
— Je ne sais pas.
— Un jour tu as dû prononcer devant lui le mot « évasion ». Un mot à le rendre cardiaque, et pourtant il n’est pas mort foudroyé. Pourquoi, Lisa ? Pourquoi ?
Comme elle ne répondait pas, il l’empoigna par le bras, la souleva de son siège et se mit à la promener dans la pièce en la secouant.
— Puisque je te dis que je veux savoir ! Tu m’entends ? Je veux savoir ! Je veux savoir !
Paulo surgit par la porte donnant sur l’entrepôt.
— Frank ! hurla-t-il, qu’est-ce que tu lui fais !
— Fous le camp ! tonna Frank sans lâcher Lisa.
Paulo ne bougea pas.
— Je venais te dire… Il y a deux motards qui viennent de passer dans la rue à tout berzingue.
— Je m’en fous, file !
— Mais, Frank…
— File ! hurla Frank.
Paulo retourna à la porte. Avant de sortir, il murmura :
— Il est sept heures dix, pense au bateau !
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