Читаем Révolte sur la Lune полностью

Et Mike assumait toujours davantage de nouvelles tâches interminables. En mai 2075, outre le contrôle du trafic et du catapultage des robots, les calculs des trajectoires et la commande des navires munis d’équipages, Mike supervisait également le système téléphonique de tout Luna, les réseaux vidéophoniques Luna-Terra, la fourniture de l’air, de l’eau, le réglage de la température, de l’humidité et des égouts de Luna City, de Novy Leningrad et de quelques autres terriers de moindre importance (mais pas de Hong-Kong Lunaire), il assurait encore la comptabilité et établissait les fiches de paie pour l’Autorité de Luna et, par contrat, pour de nombreuses sociétés et banques.

Certains systèmes ont des dépressions nerveuses. Les réseaux téléphoniques surchargés se comportent comme des enfants effrayés. Mike, lui, ne s’énervait jamais, bien au contraire ; il avait même acquis un sens de l’humour plutôt vulgaire. S’il avait été un homme, vous n’auriez pas daigné le suivre : son genre d’humour aurait consisté à vous virer de votre lit ou à mettre de la poudre à gratter dans votre combinaison pressurisée.

N’étant pas équipé pour cela, Mike se permettait à l’occasion de répondre de façon absurde, ou par des incartades – par exemple en remplissant le chèque d’un portier des bureaux de l’Autorité de Luna City, d’une somme de 10 000 000 000 000 185,15 dollars nominatifs gouvernementaux, les cinq derniers chiffres représentant le montant correct du chèque. Tout comme un grand enfant qui mérite une bonne fessée.

C’est ce qu’il a fait au cours de cette première semaine du mois de mai et c’est moi, en tant qu’entrepreneur privé et non comme salarié de l’Autorité, qui suis allé le réparer. Vous comprenez… ou peut-être pas : les temps ont changé. Jadis, de nombreux condamnés terminaient leur peine et travaillaient ensuite pour l’Autorité dans le même secteur d’activité, tout heureux d’être payés. Mais moi, j’étais né libre.

Ça fait une sacrée différence. On avait embarqué mon grand-père à Johannesburg à la suite d’une révolte armée et parce qu’il n’avait pas de permis de travail. On avait déporté les autres pour activités subversives après la Guerre des Pétards Mouillés. Ma grand-mère maternelle prétendait qu’elle était venue avec un vaisseau de femmes – mais j’ai vu les registres : elle faisait partie des Enrôlées du Service Pacifique (qui n’étaient pas volontaires), ce qui signifie ce à quoi vous pensez : délinquance juvénile de type féminin. Comme elle avait contracté de bonne heure un mariage familial (avec le clan des Stone) et qu’elle partageait six maris avec une autre femme, l’identité de mon grand-père maternel restait mystérieuse. Mais il en était souvent ainsi, et je suis très content du grand-papa qu’elle avait ramassé. Mon autre grand-mère, d’origine tatare, avait grandi près de Samarcande ; on l’avait condamnée à la « rééducation » lors de l’Oktiabrskaia Rievoloutsia, puis elle s’était portée « volontaire » pour la colonisation de Luna.

Mon vieux prétendait que nous avions une ascendance encore plus noble – des aïeules exécutées à Salem pour sorcellerie, un arrière-arrière-arrière-trisaïeul roué vif pour piraterie, une autre trisaïeule qui avait fait partie de la cargaison de Botany Bay.

J’étais fier de mes ancêtres et, même si je faisais des affaires avec le Gardien, je n’avais jamais voulu figurer sur ses fiches de paie. La distinction peut paraître sans importance étant donné que je tenais lieu de valet de Mike depuis le jour même où on l’avait déballé. Cela en avait pour moi, cependant : je pouvais toujours poser mes outils et leur dire d’aller au diable.

Sans compter que le boulot d’entrepreneur rapportait plus que d’appartenir au Service civique, d’après les tarifs gouvernementaux. Il y a peu de spécialistes en ordinateurs ici. À votre avis, combien de Lunatiques pourraient se rendre sur la Terre et rester hors de l’hôpital assez longtemps pour suivre une formation en informatique… voire échapper à la mort ?

Je vous en citerai un : moi. J’y suis descendu deux fois, une fois pour trois mois, l’autre pour quatre, et je suis allé à l’école. Cela représentait un sacré entraînement ; il fallait subir les centrifugeuses, porter des poids jusque dans son lit… puis ne pas prendre le moindre risque sur la Terre, ne jamais se presser, ne jamais monter d’escalier, ne rien faire qui eût pu fatiguer le cœur. Les femmes ? Je n’osais même pas penser aux femmes : avec cette pesanteur, c’était hors de question.

Les Lunatiques, pour la plupart, ne pensaient même pas à quitter le Roc ; c’est bien trop risqué pour un type qui reste sur Luna plus de quelques semaines. Les spécialistes terriens de l’informatique venus pour installer Mike travaillaient sous contrat de très courte durée, avec des primes… et ils s’étaient dépêchés de faire leur boulot avant que d’irréversibles modifications physiologiques n’en fassent des naufragés à 400 000 kilomètres de chez eux.

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