Читаем Révolte sur la Lune полностью

C’est pourquoi les gardes ne s’en faisaient pas le moins du monde au sujet de ces réunions de protestation. « Laissez-les aboyer ! », telle était leur politique. Ces jappements n’avaient pas plus d’importance que les protestations d’un chaton enfermé dans une boîte. Certains gardiens écoutaient, d’autres essayaient de s’interposer, mais tout cela revenait au même : programme zéro.

Quand Morti la Peste avait investi son poste, en 2068, il nous avait fait un sermon pour nous dire combien, sur Luna, les choses allaient changer sous son administration, faisant grand tapage au sujet du « Paradis Terrestre durement élaboré à la force de nos propres mains ». Il nous avait dit aussi « de pousser la roue tous ensemble par esprit de fraternité », de « savoir oublier le passé, de ne plus penser aux erreurs anciennes, mais de nous tourner vers la nouvelle et étincelante aurore ». Je me trouvais alors dans la Taverne de la Mère Boor, occupé à humer une bonne odeur de ragoût irlandais accompagné d’un litre de bière australienne ; je me rappelle la réaction de la patronne : « Quel beau baratineur, hein ? »

Ses discours n’avaient guère été suivis d’effets. On avait bien fait circuler quelques pétitions, les gardes du corps du Gardien avaient commencé à porter un nouveau type de pistolet, et voilà tout. Au bout d’un certain temps, il avait cessé d’apparaître à la vidéo.

Seule la curiosité de Mike me poussait à me rendre à cette réunion. Après avoir vérifié ma combinaison pressurisée et tout mon barda, à la station de métro du sas Ouest, j’ai pris un magnétophone et l’ai mis dans ma bourse de ceinture afin que Mike puisse avoir un rapport complet, même si je m’endormais.

J’ai presque failli ne pas y aller du tout. J’étais remonté du niveau 7-A et franchissais une porte latérale quand un stilyagi m’a arrêté : blouson rembourré, culotte à braguette et leggins, torse brillant parsemé de poussière stellaire. Non que je me préoccupe de la manière dont les gens s’habillent : je portais moi-même un collant (non rembourré), et il m’arrive parfois, pour des réceptions, de m’huiler le haut du corps.

Mais je n’utilise pas de cosmétique et ma tignasse est trop fine pour tenir en place. Ce garçon avait les cheveux rasés sur les côtés, la mèche centrale relevée en crête de coq ; sur le tout, il avait mis un bonnet rouge rabattu par-devant.

Un bonnet phrygien, le premier que je voyais de ma vie. J’ai commencé à jouer des coudes pour entrer ; un bras devant moi, il s’est mis sur mon chemin.

— Ton billet !

— Désolé, ai-je dit. Je ne savais pas. Où puis-je en acheter un ?

— Impossible.

— Répète. J’ai mal compris !

— Personne n’entre sans invitation, a-t-il grogné. Qui es-tu ?

— Moi, ai-je répondu doucement, je suis Manuel Garcia O’Kelly, et tous les vieux camarades me connaissent. Et toi, qui es-tu ?

— T’occupe ! Montre-moi un billet avec le bon numéro ou tire-toi !

Je me suis alors posé quelques questions sur son espérance de vie. Les touristes parlent souvent de la politesse dont tout le monde fait preuve sur Luna… non sans des remarques, in petto, sur les exprisonniers que l’on n’imagine pas aussi civilisés. Étant allé sur la Terre, ayant vu la manière dont ils se conduisent là-bas, je comprends ce qu’ils veulent dire. Il est pourtant inutile de leur expliquer que nous sommes ainsi parce que les mauvais acteurs ne vivent pas très longtemps sur Luna.

Je n’avais cependant pas l’intention de me battre, même si ce type se conduisait comme un nouveau débarqué ; je me suis seulement demandé à quoi ressemblerait sa figure si je lui flanquais mon bras numéro sept en travers de la bouche.

Je n’ai fait qu’y penser… J’étais sur le point de lui répondre poliment quand j’ai vu Mkrum le Nabot à l’intérieur de la salle. Le Nabot est un grand noir de 2 mètres de haut, envoyé sur le Roc à la suite d’un meurtre ; le type le plus doux, le plus serviable avec lequel j’ai jamais travaillé : je lui apprenais à forer au laser avant que je ne me réduise le bras en cendres.

— Le Nabot !

Il m’a entendu et a souri de toutes ses dents, larges comme des touches de piano.

— Hello ! Mannie ! (Il s’est avancé vers nous.) Content que tu sois venu !

— C’est pas encore fait, ai-je dit. Il y a un blocage sur la ligne.

— Il n’a pas de billet, a rétorqué le portier.

Le Nabot a plongé la main dans sa bourse et m’en a mis un dans la main.

— Maintenant, si. Viens, Mannie.

— Montre-moi la marque, insista le portier.

— C’est ma marque à moi, a doucement dit le Nabot. D’accord, tovaritch ?

Personne ne discutait avec le Nabot… je ne comprends pas comment il avait pu se débrouiller pour commettre un meurtre. Nous nous sommes dirigés vers la première rangée de fauteuils réservée aux grosses légumes.

— Je vais te faire rencontrer une gentille petite fille, m’a dit le Nabot.

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