Читаем Roses à crédit (Lecture à domicile) полностью

Un soir Martine entreprit Daniel[145] au sujet de la chambre à coucher : elle voulait en acheter une pour leur nouvel appartement. Daniel écoutait mal sur le point de s’endormir, mais à force de poser des questions, de se tourner et de se retourner Martine finit par le réveiller. Quelle chambre à coucher ? Pourquoi fallait-il acheter une chambre à coucher ? Puisqu’ils n’avaient pas d’argent ! C’est très joli à dire, à crédit ! Les facilités du paiement… parlons-en, des facilités… Ce sont plutôt des difficultés de paiement. Mais où veux-tu qu’on prenne l’argent ! On va devenir les esclaves de tout le monde ! Il me faut terminer mes études, j’en ai encore pour un an…

— Bon, dit Martine, n’en parlons plus. On couchera par terre.

— Tu ne coucheras par terre, on apportera un lit d’ici, et tout ce qu’il faut…

— J’aime mieux coucher par terre que dans les lits d’ici. Des cercueils.

— Ah, mon Dieu… Qu’est-ce que c’est que cette calamité ![146]

Daniel retomba dans les oreillers.

— Daniel, j’ai eu tort de t’en parler… J’ai choisi une chambre à coucher qui me plaît follement, et je l’aurai… Tu verras. Peut-être seras-tu encore fier de moi. J’ai eu tort de t’embêter avec ça. C’est fini. Embrasse-moi.

Il ne fut plus question de la chambre à coucher. On n’en avait guère le temps d’ailleurs, les jours ensoleillés filaient de plus en plus vite. Il fallait que Daniel menât à bien les travaux d’hybridation commencés, et il restait avec les autres dans les plantations, travaillait comme eux : d’une part il voulait par le travail au moins rendre à son père le prix des rosiers qu’il lui volait pour ses expériences, d’autre part il lui était bien plus facile de procéder, sans se faire remarquer à ses propres travaux[147].

Un jour Daniel dit à Martine :

— Si la vie d’un rosiériste n’était pas si courte, si dramatiquement courte… Pour savoir si la rose « Martine Donelle » vaut quelque chose, il nous faut attendre encore trois ans. Ah, si j’avais tous les rosiers de mon père, les terres, les serres que les Donelle ont un peu partout… Je te mettrais, toi et nos enfants, sur la paille[148], mais quelle vie, ma chérie, quelle vie !

Cette passion de Daniel commençait à faire peur à Martine. Elle songeait que dans ces conditions il ne serait pas facile de ne pas vivre à la ferme. Pourtant elle était résolue à ne pas revenir ici : après tout la passion des roses ne l’avait pas gagnée. Le premier cas dans la famille Donelle.

<p>XV. LE MERVEILLEUX D’UN MATELAS À RESSORTS</p>

C’était ridicule que d’être mariés et de vivre séparément. Martine rêvait à leur appartement. Daniel aimait mieux ne pas y penser, ne pas en parler. Puisqu’ils devaient habiter la ferme… Il faudra que j’abandonne mon travail ? disait Martine. Tu t’occuperas des roses… Alors Martine se taisait. Souvent cela tournait à la dispute. En attendant, M. Georges, M’man Donzert et Cécile payaient leur cadeau de mariage. L’appartement se profilait dans l’avenir. Les roses n’y poussaient pas. Daniel et Martine s’aimaient, se cherchaient…

D’ailleurs, juste maintenant, avec ou sans appartement, Daniel était obligé de rester à Versailles, au foyer de École d’Horticulture, il travaillait comme un damné et n’avait pas le temps pour le va-et-vient entre Paris et Versailles. Et Martine ne pouvait pas laisser tomber son Institut de Beauté[149], il fallait bien travailler, le mariage n’avait pas augmenté les mensualités que M. Donelle — envoyait à son fils.

Il y avait une autre raison pour laquelle Martine aimait ne pas abandonner juste maintenant M’man Donzert. En rentrant de la ferme-roseraie, elle était tombée en plein dans le drame : Cécile avait rompu avec Jacques. Personne n’arrivait à en démêler les raisons. Peut-être n’était-ce qu’une brouille d’amoureux ? Peut-être que cela allait s’arranger ? « Oh, il ne m’aime pas…. », disait Cécile d’une voix lasse.

— Tu as peut-être appris que Jacques te trompait ? demanda Martine lorsqu’elles étaient seules dans leur chambre.

Cécile secoua la tête : non, ce n’était pas ça. Et soudain elle se mit à parler, à vider son cœur. C’était compliqué, elle avait toujours tout compliqué elle-même. En réalité elle n’avait pas envie de quitter M’man Donzert, la maison, quoi… Elle y était si bien. Qu’est-ce qu’elle aurait eu en se mariant avec Jacques ? Jacques vit chez ses parents, des ouvriers, il n’a même pas de chambre à lui. Il aurait fallu coucher dans la salle à manger… dans un appartement sans salle de bains, avec les cabinets dans l’escalier…[150] Jacques avait beau gagner sa vie, ils n’auraient pas eu de quoi acheter un appartement.

Martine était devenue toute pâle :

— Alors, c’est moi qui ai détruit ton mariage, Cécile ? L’appartement que vous m’avez donné, il aurait pu être à toi… C’est trop affreux !

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Юрий Петрович Щекочихин

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