Читаем Roses à crédit (Lecture à domicile) полностью

— Dites-moi, demanda Daniel, il vous arrive souvent sévir ?..[191]

— Souvent, non… Quelquefois tout de même.

— Qu’est-ce que vous faites ? Vous reprenez la marchandise ?

— Rarement… La plupart des choses s’usent, les meubles, le linge… En cas de non-paiement on passe par le juge de paix…[192] De toute façon, avant d’accorder le crédit, nous prenons nos renseignements, nous nous adressons à l’employeur, en premier lieu… à la concierge, aux commerçants du quartier… Si une personne est honorablement connue, et si, par exemple elle gagne, disons, soixante mille francs par mois, nous pouvons sans risque lui vendre pour cent vingt mille de marchandises.

— Mais, insista Daniel, il y a quand même des gens qui sans être malhonnêtes croient pouvoir payer et ensuite ne peuvent pas…

— Bien sûr cela arrive… Je vous remercie, Monsieur, de votre aimable accueil. Au plaisir.

Le jeune homme partit.

Daniel n’avait plus le sou, c’étaient vingt mille francs que Daniel avait donnés à l’enquêteur pour deux traites[193].

Martine était en retard. La tarte à l’ananas que Daniel, à cause de l’enquêteur, n’avait pas eu le temps de poser sur une assiette, coulait sur la table… Daniel entreprit de l’essuyer, fit d’autres dégâts, jeta la serviette sale sur la table de cuisine et s’allongea sur le divan-cosy. Il était tard. Pourquoi Martine ne rentrait-elle pas ? Il y avait plus d’un mois qu’ils ne s’étaient vus. Quelle vie idiote, songeait Daniel, se marier et ne pas être ensemble… Il n’avait pas su faire entrer Martine dans sa vie, et il ne pouvait tout de même pas partager la sienne. Ils étaient mariés depuis deux ans et demi.

On dit que deux ans et demi c’est le moment crucial d’une vie conjugale, le cap dangereux. Si on le franchit, on peut dire que tout danger est pour longtemps écarté. Allaient-ils franchir ce cap ? En vérité, ils n’avaient plus grand-chose à se dire… On lui avait changé sa petite-perdue-dans-les-bois. Martine n’allait plus au cinéma ni au théâtre, elle se disait trop fatiguée le soir, préférait la télévision, un bon dîner, une partie de bridge. Il n’y avait pas un seul livre dans son appartement… Pas un journal. Rien que la radio et la télévision. Alors quoi ? Se quitter ? Affreux ! Quitter Martinot ! Ne plus la voir apparaître avec sa petite tête si chère, le menton relevé, sa taille si douce… sa manière de l’accueillir, ce bonheur illuminé… Pourquoi Martine s’ingéniait-elle à aplatir leur existence. Daniel sur le petit divan-cosy fondait de pitié pour Martine, il ne fallait pas oublier d’où elle sortait, la cabane de Marie. Mais il était là, elle aurait pu le suivre… Tout ce qu’elle avait su, c’était devenir une petite bourgeoise. En attendant elle ne rentrait toujours pas… Daniel avait faim… Il était à la cuisine en train de fouiller dans le frigidaire, quand il entendit la clef de Martine.

— Oh, je vais te raconter, disait-elle de sa chère voix qui lui pénétrait le cœur, j’ai pris du travail en dehors de l’institut… Attends, mon chéri… J’ai apporté un vol-au-vent cl une bouteille… Qu’est-ce que c’est que ce torchon ?

— J’ai fait des malheurs… avoua Daniel.

— Ça ne fait rien aujourd’hui… On va manger dans la salle à manger… Quelqu’un est venu ?

C’étaient les verres et la bouteille d’apéritif qui lui faisaient poser cette question.

— Oui, l’enquêteur des Portes et Cie. Il m’a pris vingt mille francs.

— Je vais te les rendre… Il ne s’agit pas de ça…

Martine mettait la table avec des gestes rapides, adroits.

— Alors, comment cela se fait que tu travailles si tard, maintenant ?

— Je vais chez des clientes, à domicile… C’est très bien payé, tu sais…

— Viens, que je t’embrasse…

— Attends, Daniel… je voudrais qu’on se mette vite à table.

Au lieu de l’embrasser… Ils allaient d’abord manger, pensait Daniel. Martine sortait des dessous-de-plat et des verres de trois tailles[194] et des porte-couteaux. Deux couteaux, deux fourchettes, des petites cuillères, des tas d’assiettes, des grandes, des petites, des creuses.

— Tu en fais des pas… dit Daniel désolé, en la regardant aller et venir :

— C’est pour ne plus me déranger après.

Mais il fallait réchauffer le vol-au-vent, mettre au frais la bouteille apportée… Et ils ne s’étaient pas vus depuis un mois.

— Alors, tu travailles maintenant encore après les heures à l’Institut ?

— Oui, figure-toi… C’était trop tentant de gagner tant de sous[195].

— Alors, laisse tomber l’Institut !

— Oh non, je m’y plais…[196] Tu sais, l’ambiance… Martine mangeait le vol-au-vent excellent en effet. Daniel éclatait de tout ce qu’il avait à lui raconter…[197] Mais elle ne lui posait même pas de questions, elle ne lui demandait même pas — comment vas-tu — préoccupée : n’avait-elle rien oublié sur la table ? Est-ce que tout était bon ?

Une méchante envie de se taire s’insinuait dans Daniel, puisque rien de ce qui faisait sa vie ne semblait intéresser sa femme. Martine se levait, s’asseyait, dégustait, ajoutait du sel, du sucre, versait à boire.

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Юрий Петрович Щекочихин

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