Et vlan, on aurait dit que ce petit succès lui faisait plus de peine qu'autre chose. Nos créatures de la nuit ne devaient sans doute pas voir le jour, qui sait?
Tous ces petits chamboulements nous ont donné du baume au cœur. Nous avons besoin de ce second souffle. Il nous reste à fournir une trentaine d'épisodes et à conquérir un public matinal, celui qui part sur les chapeaux de roues avant d'aller au boulot, ou qui achète des autocuiseurs rutilants sur le petit écran. Il est là, le pays tout entier, et pas ailleurs.
– Quelqu'un a déjà acheté quelque chose à la télé? je demande.
– Tu as besoin de quoi, mec? Il fallait en profiter quand l'énarque était là.
– Je veux juste savoir comment fonctionne le télé-achat.
– Je leur ai déjà acheté du rouge à lèvres, dit Mathilde, c'est tout bête. Vous vous laissez séduire par le discours stupéfiant de sottise du présentateur sur les images ridicules de la démonstratrice à laquelle vous êtes censée vous identifier. Vous leur donnez votre numéro de carte bleue, et c'est tout. Ça marche, j'en suis la preuve vivante: ce sourire fuchsia qui fait mon charme, je le dois au télé-achat.
– Lé rouge à lèvres invisible? demande Tristan qui se réveille à peine. Celui qui ne laisse aucune trace?
– Celui-là même, le rouge adultère, celui des mauvaises femmes. Si vous saviez ce que je lui dois…
– Nous devons faire mieux que le télé-achat, j'ai dit. Ce pouvoir formidable de la consommation qui envoûte le téléspectateur, il faut en faire profiter la Saga.
– En clair? demande le Vieux.
– Essayons d'imaginer l'ultime limite de la consommation.
– Son point de non-retour?
– Le rêve doré de tout consommateur?
– Sa totale impunité!