Tristan déboule en clopinant dans le bureau. Avant de s'allonger dans son canapé, il scrute nos silhouettes immobiles dans le halo des lampes.
– Ça ne passera jamais, dit Jérôme.
– Pour les ménagères du télé-achat ça va encore, dit Louis, mais ce sont plutôt les mômes qui partent à l'école à cette heure-là.
– Franchement, entre «Ô
Séguret répondrait la seconde. Sans doute parce qu'elle traumatise aussi Séguret.
– Et si le feuilleton était sponsorisé par un marchand de savons à la vanille? Rien de mieux que le cul pour faire vendre, non? On relance la vanille dans le pays comme étant le parfum aphrodisiaque qui chavire les femmes. Vous imaginez le métro qui sentirait la vanille aux heures de pointe?
– Il est temps que tu ailles te coucher, Marco.
D'un commun accord, nous décidons de garder la séquence, quitte à nous la faire sucrer plus tard. Il est 3 heures du matin et Louis propose de nous raccompagner mais Mathilde préfère rentrer à pied.
– Pour m'aérer les neurones, sinon je risque de ne jamais m'endormir.
Je lui propose de faire un bout de chemin ensemble. Impossible de rater une occasion de me promener dans le Paris de l'aube avec une femme à mon bras. Histoire de laisser le romantisme marquer un point sur ma frustration sexuelle. Nous remontons l'avenue de Tourville en direction des Invalides. Le sujet de conversation est tout trouvé, c'est le moment idéal pour consulter une spécialiste.
– Votre hypothèse du défi multiple est de loin la meilleure, dit-elle. Une jeune femme comme Charlotte est assez facétieuse pour ça. Disparaître, c'est vous laisser une chance. Procédons par ordre.
Elle joue la conseillère conjugale. Il y va de sa crédibilité.
– Défi numéro un: Charlotte vous oblige à deviner les raisons de son départ sans vous donner la moindre piste. Vous y avez réfléchi?
Jusqu'au mal de tête. Dès que je me glisse dans notre lit, je cherche quelle erreur j'ai pu commettre. La seule réponse plausible n'est pas à l'avantage de Charlotte: elle n'a pas accepté que je devienne enfin celui que j'ai toujours voulu être.
– J'ai écrit un roman autour de ce schéma, explique Mathilde, je suis bien placée pour dire que c'est de la psychologie abusive. Telle que vous me la décrivez, Charlotte est le contraire d'une femme maternelle qui a peur que son petit homme vole un jour de ses propres ailes. Comme la plupart d'entre nous, elle préfère les papillons aux chrysalides. Passons au second point.
Mathilde a l'opiniâtreté du brancardier de la Croix-Rouge au milieu du champ de bataille.
– Elle vous met au défi de vivre sans elle.
Du Charlotte tout craché! Se croire indispensable! Tout ça parce qu'un soir je l'ai demandée en mariage! Je ne sais pas ce qui m'a pris, nous sortions d'une séance de