— Toi, tu vas rester ici, crème de nouille ! Si tu essaies de mettre les adjas, ce qui t'arrivera par la suite sera impubliable dans les journaux. Si par hasard ta souris rappliquait, motus ! Tu lui dis que tu as fait ton turbin et. que je te couvre. N'essaie pas de la cuisiner, surtout, compris ?
— Compris, m'sieur le commissaire.
— J'ai pas de conseil à te donner, mais moi, à ta place, je m'achèterais les œuvres complètes de Simenon et je m'enfermerais à double tour dans ma piaule. Tu risques de graves ennuis, n'oublie pas.
Là-dessus, je file avec le larbin aux jambes arquées désenneiger ma charrette.
Je me catapulte sur la standardiste et je lui saisis le combiné à pleines mains.
— La gendarmerie de Moutiers, vite ! glapis-je à la dame des pet et thé.
— Ici le commissaire San-Antonio des Services spéciaux ! lancé-je. Etablissez immédiatement un barrage sur la route entre Salins et Moutiers afin d'arrêter une D.S. ou une I.D. noire carrossée en fourgonnette. A l'intérieur vous trouverez un type ficelé dans un couvre-lit.
— Faudrait voir à ne pas vous fout' de nous ! rouspète le gendarme.
— Faites ce que je vous dis, nom de Dieu ! Pour confirmation de cet ordre, rappelez le « Sapin-Bleu » à Courchevel, vous verrez qu'il ne s'agit pas d'une blague. Arrêtez tous les occupants de la bagnole en question. Parallèlement, envoyez du monde à la gare et vérifiez si une ravissante fille brune, répondant au nom de Lydia…
Je mets la main sur l'écouteur et je lance à Belloise :
— Le blaze de ta gerce ?
— Roubier.
— Lydia Roubier, n'attend pas le train ! Compris ? Faites vite, ça urge ! D'ailleurs je vais vous rejoindre !
Je rends le combiné à la môme.
— Qu'est-ce qui est arrivé ? demande-t-elle.
Mais je n'ai pas le temps de lui répondre.
Je suis stoppé à Salins par le barrage de police que j'ai provoqué. Je me fais reconnaître de ces messieurs et je leur demande s'ils ont des nouvelles de ma Citroën. Ils répondent que non. Ils ont vu des D.S. noires, mais aucune n'était carrossée en fourgonnette. Ils les ont stoppées pourtant et les ont fouillées, sans résultat. On n'a repéré aucune Lydia à la gare. C'est plutôt mochard, hein, mes amis ?
Le petit San-A. chéri de ces dadames en mène de moins en moins large et bientôt il pourra se blottir entre les éléments d'un radiateur de chauffage central. Je regarde d'un œil nostalgique la formidable chaîne de montagnes qui se dresse devant moi, barrière inexpugnable ! François Lormont se trouve-t-il encore au cœur des Alpes, ou bien l'a-t-on emmené vers des régions inconnues par un moyen plus inconnu encore.
En tout cas, je ne vais pas me mettre à arpenter les routes et les sentiers alpestres. En deux temps et trois mouvements de cerveau ma décision est prise. Les choses ont pris une tournure trop grave pour que je continue d'assumer l'enquête au gré de ma fantaisie. Faut que j'en réfère en haut lieu ! J'aimerais mieux me rendre aux lieux d'aisance, croyez-moi. Je suis dans une situation à côté de laquelle une cuvette de gogue occupe une position privilégiée dans l'échelle des valeurs.
Je donne l'ordre aux gendarmes d'explorer la région et d'opérer des descentes discrètes dans les hôtels afin de retrouver la môme Lydia et, éventuellement, François Lormont. Ensuite de quoi je prends la route de Chambéry, qui se trouve être également celle de Paris.
Je vous prie, non pas d'agréer l'expression de mes sentiments particuliers, mais de croire que je dépoussière le cadran de mon compteur sur toute sa surface ! Le verglas, je m'en tamponne les pneumatiques. Pas besoin de chaînes. Du reste, on vous l'a souventes fois répété : où il y a de la chaîne, y a pas de plaisir !
Les ceuss qui me voient débouler se demandent si je suis un Martien en retard ou si on est mercredi ! En pas une plombe, je déboule dans la banlieue de Chambéry. Et c'est là que la malchance continue de m'accabler, Comme je dépasse le panneau m'annonçant que je me trouve dans la capitale des anciens
Comme il y a un garage à vingt-cinq centimètres de là, j'y laisse ma brouette en recommandant au tôlier de faire le nécessaire. Puis je m'offre un taxi-auto qui pousse l'amabilité jusqu'à me conduire à la gare. Un employé m'annonce que le train for Paris va entrer en gare dans douze secondes. C'est une petite consolation.
Effectivement, le teuf-teuf s'annonce en ferraillant. Je me vote un compartiment de