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Quelle joie, quel bonheur pour un cœur qui, comme le mien, avait tant besoin d’aimer !

Combien de fois en regardant Arthur couché sur sa planche, pâle et dolent, je me prenais à envier son bonheur, moi, plein de santé et de force !

Ce n’était pas le bien-être qui l’entourait que j’enviais, ce n’étaient pas ses livres, ses jouets luxueux, ce n’était pas son bateau, c’était l’amour que sa mère lui témoignait.

Comme il devait être heureux d’être ainsi aimé, d’être ainsi embrassé dix fois, vingt fois par jour, et de pouvoir lui-même embrasser de tout son cœur cette belle dame, sa mère, dont j’osais à peine toucher la main lorsqu’elle me la tendait.

Et alors je me disais tristement que moi je n’aurais jamais une mère qui m’embrasserait et que j’embrasserais : peut-être un jour je reverrais mère Barberin, et ce me serait une grande joie, mais enfin je ne pourrais plus maintenant lui dire comme autrefois : « Maman », puisqu’elle n’était pas ma mère.

Seul, je serais toujours seul !

Aussi cette pensée me faisait-elle goûter avec plus d’intensité la joie que j’éprouvais à me sentir traiter tendrement par madame Milligan et Arthur.

Je ne devais pas me montrer trop exigeant pour ma part de bonheur en ce monde, et puisque je n’aurais jamais ni mère, ni frère, ni famille, je devais me trouver heureux d’avoir des amis.

Je devais être heureux et en réalité je l’étais pleinement.

Cependant si douces que me parussent ces nouvelles habitudes, il me fallut bientôt les interrompre pour revenir aux anciennes.

XIII

Enfant trouvé.

Le temps avait passé vite pendant ce voyage, et le moment approchait où mon maître allait sortir de prison.

À mesure que nous nous éloignions de Toulouse, cette pensée m’avait de plus en plus vivement tourmenté.

C’était charmant de s’en aller ainsi en bateau, sans peine comme sans souci ; mais il faudrait revenir et faire à pied la route parcourue sur l’eau.

Ce serait moins charmant : plus de bon lit, plus de crèmes, plus de pâtisseries, plus de soirées autour de la table.

Et ce qui me touchait encore bien plus vivement, il faudrait me séparer d’Arthur et de madame Milligan ; il faudrait renoncer à leur affection, les perdre comme déjà j’avais perdu mère Barberin. N’aimerais-je donc, ne serais-je donc aimé que pour être séparé brutalement de ceux près de qui je voudrais passer ma vie !

Je puis dire que cette préoccupation a été le seul nuage de ces journées radieuses.

Un jour enfin, je me décidai à en faire part à madame Milligan, en lui demandant combien elle croyait qu’il me faudrait de temps pour retourner à Toulouse, car je voulais me trouver devant la porte de la prison, juste au moment où mon maître la franchirait.

En entendant parler de départ, Arthur poussa les hauts cris :

– Je ne veux pas que Rémi parte ! s’écria-t-il.

Je répondis que je n’étais pas libre de ma personne, que j’appartenais à mon maître, à qui mes parents m’avaient loué, et que je devais reprendre mon service auprès de lui le jour où il aurait besoin de moi.

Je parlai de mes parents sans dire qu’ils n’étaient pas réellement mes père et mère, car il aurait fallu avouer en même temps que je n’étais qu’un enfant trouvé ; et c’était là une honte à laquelle je ne pouvais pas me résigner tant j’avais souffert, depuis que je me rendais compte de mes sensations, du mépris que j’avais vu, dans notre village, marquer en toutes occasions aux enfants des hospices : enfant trouvé ! il me semblait que c’était tout ce qu’il y avait de plus abject au monde. Mon maître savait que j’étais un enfant trouvé, mais il était mon maître, tandis que je serais mort bouche close plutôt que d’avouer à madame Milligan et à Arthur, qui m’avaient élevé jusqu’à eux, que j’étais un enfant trouvé ; est-ce qu’ils ne m’auraient pas alors rejeté et repoussé avec dégoût !

– Maman, il faut retenir Rémi, continua Arthur qui en dehors du travail, était le maître de sa mère, et faisait d’elle tout ce qu’il voulait.

– Je serais très-heureuse de garder Rémi, répondit madame Milligan, vous l’avez pris en amitié, et moi-même j’ai pour lui beaucoup d’affection ; mais pour le retenir près de nous, il faut la réunion de deux conditions que ni vous ni moi ne pouvons décider. La première c’est que Rémi veuille rester avec nous…

– Ah ! Rémi voudra bien, interrompit Arthur, n’est-ce pas, Rémi, que vous ne voulez pas retourner à Toulouse ?

– La seconde, continua madame Milligan sans attendre ma réponse, c’est que son maître consente à renoncer aux droits qu’il a sur lui.

– Rémi, Rémi d’abord, interrompit Arthur poursuivant son idée.

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