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Puis après un moment de silence :

– Tiennette, tu es une bonne fille ; écoute, demain je vais chez Louisot, eh bien ! je te jure, tu entends bien, je te jure de rentrer pour souper ; je ne veux plus que tu m’attendes, et je ne veux pas que Lise s’endorme tourmentée.

Mais les promesses, les serments ne servaient pas toujours et il n’en rentrait pas moins tard, une fois qu’il acceptait un verre de vin. À la maison, Lise était toute-puissante, dehors elle était oubliée.

– Vois-tu, disait-il, on boit un coup sans y penser, parce qu’on ne peut pas refuser les amis ; on boit le second parce qu’on a bu le premier, et l’on est bien décidé à ne pas boire le troisième ; mais boire donne soif. Et puis, le vin vous monte à la tête ; on sait que quand on est lancé on oublie les chagrins ; on ne pense plus aux créanciers ; on voit tout éclairé par le soleil ; on sort de sa peau pour se promener dans un autre monde, le monde où l’on désirait aller. Et l’on boit. Voilà.

Il faut dire que cela n’arrivait pas souvent. D’ailleurs la saison de l’essimplage n’était pas longue, et quand cette saison était passée le père n’ayant plus de motifs pour sortir, ne sortait plus. Il n’était pas homme à aller au cabaret tout seul, ni par paresse à perdre son temps.

La saison des giroflées terminée, nous préparions d’autres plantes, car il est de règle qu’un jardinier ne doit pas avoir une seule place de son jardin vide : aussitôt que des plantes sont vendues d’autres doivent les remplacer.

L’art pour un jardinier qui travaille en vue du marché est d’apporter ses fleurs sur le marché au moment où il a chance d’en tirer le plus haut prix. Or, ce moment est celui des grandes fêtes de l’année : la Saint-Pierre, la Sainte-Marie, la Saint-Louis, car le nombre est considérable de ceux qui s’appellent Pierre, Marie, Louis ou Louise et par conséquent le nombre est considérable aussi des pots de fleurs ou des bouquets qu’on vend ces jours-là et qui sont destinés à souhaiter la fête à un parent ou à un ami. Tout le monde a vu la veille de ces fêtes les rues de Paris pleines de fleurs, non-seulement dans les boutiques ou sur les marchés, mais encore sur les trottoirs, au coin des rues, sur les marches des maisons, partout où l’on peut disposer un étalage.

Le père Acquin, après sa saison de giroflées, travaillait en vue des grandes fêtes du mois de juillet et du mois d’août, surtout du mois d’août, dans lequel se trouve la Sainte-Marie et la Saint-Louis, et pour cela nous préparions des milliers de reines-marguerites, des fuchsias, des lauriers-roses tout autant que nos châssis et nos serres pouvaient en contenir : il fallait que toutes ces plantes arrivassent à floraison au jour dit, ni trop tôt, elles auraient été passées au moment de la vente, ni trop tard, elles n’auraient pas encore été en fleurs. On comprend que cela exige un certain talent, car on n’est pas maître du soleil, ni du temps, qui est plus ou moins beau. Le père Acquin était passé maître dans cet art, et jamais ses plantes n’arrivaient trop tôt ni trop tard. Mais aussi que de soins, que de travail !

Au moment où j’en suis arrivé de mon récit, notre saison s’annonçait comme devant être excellente ; nous étions au 5 août et toutes nos plantes étaient à point : dans le jardin, en plein air, les reines-marguerites montraient leurs corolles prêtes à s’épanouir, et dans les serres ou sous les châssis dont le verre était soigneusement blanchi au lait de chaux pour tamiser la lumière, fuchsias et lauriers-roses commençaient à fleurir : ils formaient de gros buissons ou des pyramides garnies de boutons du haut en bas, le coup d’œil était superbe ; et, de temps en temps, je voyais le père se frotter les mains avec contentement.

– La saison sera bonne, disait-il à ses fils.

Et en riant tout bas, il faisait le compte de ce que la vente de toutes ces fleurs lui rapporterait.

On avait rudement travaillé pour en arriver là et sans prendre une heure de congé, même le dimanche ; cependant tout étant à point et en ordre, il fut décidé que pour notre récompense nous irions tous dîner ce dimanche 5 août à Arcueil chez un des amis du père, jardinier comme lui ; Capi lui-même serait de la partie. On travaillerait jusqu’à trois ou quatre heures, puis quand tout serait fini, on fermerait la porte à clef, et l’on s’en irait gaiement, on arriverait à Arcueil, vers cinq ou six heures, puis après dîner on reviendrait tout de suite pour ne pas se coucher trop tard et être au travail le lundi de bonne heure, frais et dispos.

Quelle joie !

Il fut fait ainsi qu’il avait été décidé, et quelques minutes avant quatre heures, le père tournait la clef dans la serrure de la grande porte.

– En route tout le monde ! dit-il joyeusement.

– En avant, Capi !

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