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Et prenant Lise par la main, je me mis à courir avec elle accompagné par les aboiements joyeux de Capi qui sautait autour de nous. Peut-être croyait-il que nous nous en allions pour longtemps sur les grands chemins, ce qui lui aurait mieux plu que de rester à la maison, où il s’ennuyait, car il ne m’était pas toujours possible de m’occuper de lui, – ce qu’il aimait par dessus tout.

Nous étions tous endimanchés et superbes avec nos beaux habits à manger du rôti. Il y avait des gens qui se retournaient pour nous voir passer. Je ne sais pas ce que j’étais moi-même, mais Lise, avec son chapeau de paille, sa robe bleue et ses bottines de toile grise était bien la plus jolie petite fille qu’on puisse voir, la plus vivante ; c’était la grâce dans la vivacité ; ses yeux, ses narines frémissantes, ses épaules, ses bras, ses mains, tout en elle parlait et disait son plaisir.

Le temps passa si vite que je n’en eus pas conscience ; tout ce que je sais, c’est que comme nous arrivions à la fin du dîner, l’un de nous remarqua que le ciel s’emplissait de nuages noirs du côté du couchant, et comme notre table était servie en plein air sous un gros sureau, il nous fut facile de constater qu’un orage se préparait.

– Les enfants, il faut se dépêcher de rentrer à la Glacière.

À ce mot, il y eut une exclamation générale :

– Déjà !

Lise ne dit rien, mais elle fît des gestes de dénégation et de protestation.

– Si le vent s’élève, dit le père, il peut chavirer les panneaux : en route !

Il n’y avait pas à répliquer davantage ; nous savions tous que les panneaux vitrés sont la fortune des jardiniers, et que si le vent casse les verres, c’est la ruine pour eux.

– Je pars en avant, dit le père ; viens avec moi, Benjamin, et toi aussi Alexis, nous prendrons le pas accéléré. Rémi viendra en arrière avec Étiennette et Lise.

Et sans en dire davantage ils partirent à grands pas, tandis que nous les suivions moins vite, réglant notre marche, Étiennette et moi, sur celle de Lise.

Il ne s’agissait plus de rire, et nous ne courions plus, nous ne gambadions plus.

Le ciel devenait de plus en plus noir et l’orage arrivait rapidement précédé par des nuages de poussière que le vent, qui s’était élevé, entraînait en gros tourbillons. Quand on se trouvait pris dans un de ces tourbillons il fallait s’arrêter, tourner le dos au vent, et se boucher les yeux avec les deux mains car on était aveuglé ; si l’on respirait on sentait dans sa bouche un goût de cailloux.

Le tonnerre roulait dans le lointain et ses grondements se rapprochaient rapidement se mêlant à des éclats stridents.

Étiennette et moi nous avions pris Lise par la main, et nous la tirions après nous, mais elle avait peine à nous suivre, et nous ne marchions pas aussi vite que nous aurions voulu.

Arriverions-nous avant l’orage ?

Le père, Benjamin et Alexis, arriveraient-ils ?

Pour eux, la question était de toute autre importance ; pour nous, il s’agissait simplement de n’être pas mouillés, pour eux de mettre les châssis à l’abri de la destruction, c’est-à-dire de les fermer pour que le vent ne pût pas les prendre en dessous et les culbuter pêle-mêle.

Les fracas du tonnerre étaient de plus en plus répétés, et les nuages s’étaient tellement épaissis qu’il faisait presque nuit ; quand le vent les entrouvrait, on apercevait çà et là dans leurs tourbillons noirs des profondeurs cuivrées. Évidemment ces nuages allaient crever d’un instant à l’autre.

Chose étrange, au milieu des éclats du tonnerre nous entendîmes un bruit formidable qui arrivait sur nous, et qui était inexplicable : il semblait que c’était un régiment de cavaliers qui se précipitaient pour fuir l’orage : mais cela était absurde ; comment des cavaliers seraient-ils venus dans ce quartier ?

Tout à coup la grêle se mit à tomber ; quelques grêlons d’abord qui nous frappèrent au visage, puis presque instantanément, une vraie avalanche ; il fallut nous jeter sous une grande porte.

Et alors nous vîmes tomber l’averse de grêle la plus terrible qu’on puisse imaginer ; en un instant la rue fut couverte d’une couche blanche comme en plein hiver ; les grêlons étaient gros comme des œufs de pigeon et en tombant ils produisaient un tapage assourdissant au milieu duquel éclataient de temps en temps des bruits de vitres cassées ; avec les grêlons qui glissaient des toits dans la rue tombaient toutes sortes de choses, des morceaux de tuiles, des plâtras, des ardoises broyées, surtout des ardoises qui faisaient des tas noirs au milieu de la blancheur de la grêle.

– Hélas ! les panneaux ! s’écria Étiennette. C’était aussi la pensée qui m’était venue à l’esprit.

– Peut-être le père sera-t-il arrivé à temps ?

– Quand même ils seraient arrivés avant la grêle, jamais ils n’auront eu le temps de couvrir les panneaux avec les paillassons ; tout va être perdu.

– On dit que la grêle ne tombe que par places.

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