Читаем Sans famille полностью

Étions-nous ensevelis depuis deux jours ou depuis six ? On verrait quand le moment de la délivrance serait venu. Mais ce moment viendrait-il ? Pour moi, je commençais à en douter fortement.

Au reste je n’étais pas le seul, et parfois, il échappait des observations à mes camarades, qui prouvaient que le doute les envahissait aussi.

— Ce qui me console, si je reste ici, dit Bergounhoux, c’est que la compagnie fera une rente à ma femme et à mes enfants ; au moins ils ne seront pas à la charité.

Assurément, le magister s’était dit qu’il entrait dans ses fonctions de chef non-seulement de nous défendre contre les accidents de la catastrophe, mais encore de nous protéger contre nous-mêmes. Aussi, quand l’un de nous paraissait s’abandonner, intervenait-il aussitôt par une parole réconfortante.

— Tu ne resteras pas plus que nous ici : les bennes fonctionnent, l’eau baisse.

— Où baisse-t-elle ?

— Dans les puits.

— Et dans la galerie ?

— Ça viendra ; il faut attendre.

— Dites donc, Bergounhoux, interrompit Carrory avec l’à-propos et la promptitude qui caractérisaient toutes ses observations, si la compagnie fait faillite comme celle du magister, c’est votre femme qui sera volée !

— Veux-tu te taire, imbécile, la compagnie est riche.

— Elle était riche quand elle avait la mine, mais maintenant que la mine est sous l’eau. Tout de même si j’étais dehors, au lieu d’être ici, je serais content.

— Parce que ?

— Pourquoi donc qu’ils étaient fiers, les directeurs et les ingénieurs ? ça leur apprendra. Si l’ingénieur était descendu, ça serait drôle, pas vrai ? monsieur l’ingénieur, faut-il porter votre boussole ?

— Si l’ingénieur était descendu, tu resterais ici, grande bête, et nous aussi.

— Ah ! vous autres, vous savez, il ne faut pas vous gêner, mais moi, j’ai autre chose à faire ; mes châtaignons, qui est-ce qui les sécherait ? Je demande que l’ingénieur remonte alors ; c’était pour rire. Salut, monsieur l’ingénieur !

À l’exception du magister qui cachait ses sentiments et de Carrory qui ne sentait pas grand’chose, nous ne parlions plus de délivrance, et c’étaient toujours les mots de mort et d’abandon qui du cœur nous montaient aux lèvres.

— Tu as beau dire, magister, les bennes ne tireront jamais assez d’eau.

— Je vous ai pourtant déjà fait le calcul plus de vingt fois ; un peu de patience.

— Ce n’est pas le calcul qui nous tirera d’ici. Cette réflexion était de Pagès.

— Qui alors ?

— Le bon Dieu.

— Possible ; puisque c’est lui qui nous y a mis, répliqua le magister, il peut bien nous en tirer.

— Lui et la sainte Vierge ; c’est sur eux que je compte et pas sur les ingénieurs. Tout à l’heure en priant la sainte Vierge, j’ai senti comme un souffle à l’oreille et une voix qui me disait : « Si tu veux vivre en bon chrétien à l’avenir, tu seras sauvé. » Et j’ai promis.

— Est-il bête avec sa sainte Vierge, s’écria Bergounhoux en se soulevant.

Pagès était catholique, Bergounhoux était calviniste ; si la sainte Vierge a toute puissance pour des catholiques elle n’est rien pour les calvinistes, qui ne la reconnaissent point, pas plus qu’ils ne reconnaissent les autres intermédiaires qui se placent entre Dieu et l’homme, le pape, les saints et les anges.

Dans tout autre pays l’observation de Pagès n’eût pas soulevé de discussion, mais en pleines Cévennes, dans une ville où les querelles religieuses ont toutes les violences qu’elles avaient au dix-septième siècle, alors que la moitié des habitants se battait contre l’autre moitié, — cette observation, pas plus que la réponse de Bergounhoux, ne pouvaient passer sans querelles.

Tous deux en même temps s’étaient levés, et sur leur étroit palier, ils se défiaient, prêts à en venir aux mains.

Mettant son pied sur l’épaule de l’oncle Gaspard, le magister escalada la remontée et se jeta entre eux.

— Si vous voulez vous battre, dit-il, attendez que vous soyez sortis.

— Et si nous ne sortons pas ? répliqua Bergounhoux.

— Alors il sera prouvé que tu avais raison et que Pagès avait tort, puisque à sa prière il a été répondu qu’il sortirait.

Cette réponse avait le mérite de satisfaire les deux adversaires.

— Je sortirai, dit Pagès.

— Tu ne sortiras pas, répondit Bergounhoux.

— Ce n’est pas la peine de vous quereller, puisque bientôt vous saurez à quoi vous en tenir.

— Je sortirai.

— Tu ne sortiras pas.

La dispute heureusement apaisée par l’adresse du magister se calma, mais nos idées avaient pris une teinte sombre que rien ne pouvait éclaircir.

— Je crois que je sortirai, dit Pagès, après un moment de silence, mais si nous sommes ici c’est bien sûr parce qu’il y a parmi nous des méchants que Dieu veut punir.

Disant cela il lança un regard significatif à Bergounhoux, mais celui-ci au lieu de se fâcher confirma les paroles de son adversaire.

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