Читаем Sans famille полностью

L’ingénieur fit sortir ceux qui l’avaient suivi et même tous les ouvriers qui faisaient la chaîne pour porter les déblais, ne gardant auprès de lui que les deux piqueurs.

Alors ils frappèrent un appel à coups de pic fortement assénés et également espacés, puis retenant leur respiration ils se collèrent contre le charbon.

Après un moment d’attente, ils reçurent dans le cœur une commotion profonde : des coups faibles, précipités, rhythmés[2] avaient répondu aux leurs.

— Frappez encore à coups espacés pour être bien certains que ce n’est point la répercussion de vos coups.

Les piqueurs frappèrent, et aussitôt les mêmes coups rhythmés qu’ils avaient entendus, c’est-à-dire le rappel des mineurs, répondirent aux leurs.

Le doute n’était plus possible : des hommes étaient vivants, et l’on pouvait les sauver.

La nouvelle traversa la ville comme une traînée de poudre et la foule accourut à la Truyère, plus grande encore peut-être, plus émue que le jour de la catastrophe. Les femmes, les enfants, les mères, les parents des victimes arrivèrent tremblants, rayonnants d’espérance dans leurs habits de deuil.

Combien étaient vivants ? Beaucoup peut-être. Le vôtre sans doute, le mien assurément.

On voulait embrasser l’ingénieur.

Mais lui impassible contre la joie comme il l’avait été contre le doute et la raillerie, ne pensait qu’au sauvetage ; et pour écarter les curieux aussi bien que les parents, il demandait des soldats à la garnison pour défendre les abords de la galerie et garder la liberté du travail.

Les sons perçus étaient si faibles qu’il était impossible de déterminer la place précise d’où ils venaient. Mais l’indication cependant était suffisante pour dire que des ouvriers échappés à l’inondation se trouvaient dans une des trois remontées de la galerie plate des vieux travaux. Ce n’est plus une descente qui ira au devant des prisonniers, mais trois, de manière à arriver aux trois remontées. Lorsqu’on sera plus avancé et qu’on entendra mieux, on abandonnera les descentes inutiles pour concentrer tous les efforts sur la bonne.

Le travail reprend avec plus d’ardeur que jamais, et c’est à qui des compagnies voisines enverra à la Truyère ses meilleurs piqueurs.

À l’espérance résultant du creusement des descentes se joint celle d’arriver par la galerie, car l’eau baisse dans le puits.

Lorsque dans notre remontée nous entendîmes l’appel frappé par l’ingénieur, l’effet fut le même que lorsque nous avions entendu les bennesd’épuisement tomber dans les puits.

— Sauvés !

Ce fut un cri de joie qui s’échappa de nos bouches, et sans réfléchir nous crûmes qu’on allait nous donner la main.

Puis, comme pour les bennes d’épuisement, après l’espérance revint le désespoir.

Le bruit des pics annonçait que les travailleurs étaient bien loin encore. Vingt mètres, trente mètres peut-être. Combien faudrait-il pour percer ce massif ? Nos évaluations variaient : un mois, une semaine, six jours. Comment attendre un mois, une semaine, six jours ? Lequel d’entre nous vivrait encore dans six jours ? Combien de jours déjà avions-nous vécu sans manger ?

Seul, le magister parlait encore avec courage, mais à la longue notre abattement le gagnait, et à la longue aussi la faiblesse abattait sa fermeté.

Si nous pouvions boire à satiété, nous ne pouvions pas manger, et la faim était devenue si tyrannique, que nous avions essayé de manger du bois pourri émietté dans l’eau.

Carrory, qui était le plus affamé d’entre nous, avait coupé la botte qui lui restait, et continuellement il mâchait des morceaux de cuir.

En voyant jusqu’où la faim pouvait entraîner mes camarades, j’avoue que je me laissai aller à un sentiment de peur, qui, s’ajoutant à mes autres frayeurs, me mettait mal à l’aise. J’avais entendu Vitalis raconter souvent des histoires de naufrage, car il avait beaucoup voyagé sur mer, au moins autant que sur terre, et parmi ces histoires, il y en avait une qui, depuis que la faim nous tourmentait, me revenait sans cesse pour s’imposer à mon esprit : dans cette histoire, des matelots avaient été jetés sur un îlot de sable où ne se trouvait pas la moindre nourriture, et ils avaient tué le mousse pour le manger. Je me demandais, en entendant mes compagnons crier la faim, si pareil sort ne m’était pas réservé, et si, sur notre îlot de charbon, je ne serais pas tué aussi pour être mangé. Dans le magister et l’oncle Gaspard, j’étais sûr de trouver des défenseurs ; mais Pagès, Bergounhoux et Carrory, Carrory surtout, avec ses grandes dents blanches qu’il aiguisait sur ses morceaux de bottes, ne m’inspiraient aucune confiance.

Sans doute, ces craintes étaient folles ; mais dans la situation où nous étions, ce n’était pas la sage et froide raison qui dirigeait notre esprit ou notre imagination.

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