Читаем Sans famille полностью

Ce qui augmentait encore nos terreurs, c’était l’absence de lumière. Successivement, nos lampes étaient arrivées à la fin de leur huile. Et lorsqu’il n’en était plus resté que deux, le magister avait décidé qu’elles ne seraient allumées que dans les circonstances où la lumière serait indispensable. Nous passions donc maintenant tout notre temps dans l’obscurité.

Non-seulement cela était lugubre, mais encore cela était dangereux, car si nous faisions un mouvement maladroit, nous pouvions rouler dans l’eau.

Depuis la mort de Compayrou nous n’étions plus que trois sur chaque palier et cela nous donnait un peu plus de place : l’oncle Gaspard était à un coin, le magister à un autre et moi au milieu d’eux.

À un certain moment, comme je sommeillais à moitié, je fus tout surpris d’entendre le magister parler à mi-voix comme s’il rêvait haut.

Je m’éveillai et j’écoutai.

— Il y des nuages, disait-il, c’est une belle chose que les nuages. Il y a des gens qui ne les aiment pas ; moi je les aime. Ah ! ah ! nous aurons du vent, tant mieux, j’aime aussi le vent.

Rêvait-il ? Je le secouai par le bras, mais il continua :

— Si vous voulez me donner une omelette de six œufs, non de huit ; mettez-en douze, je la mangerai bien en rentrant.

— L’entendez-vous, oncle Gaspard ?

— Oui, il rêve.

— Mais non, il est éveillé.

— Il dit des bêtises.

— Je vous assure qu’il est éveillé.

— Hé ! magister ?

— Tu veux venir souper avec moi, Gaspard ? Viens, seulement je t’annonce un grand vent.

— Il perd la tête, dit l’oncle Gaspard ; c’est la faim et la fièvre.

— Non, il est mort, dit Bergounhoux, c’est son âme qui parle ; vous voyez bien qu’il est ailleurs. Où est le vent, magister, est-ce le mistral ?

— Il n’y a pas de mistral dans les enfers, s’écria Pagès, et le magister est aux enfers ; tu ne voulais pas me croire quand je te disais que tu irais.

Qui les prenait donc, avaient-ils tous perdu la raison ? Devenaient-ils fous ? Mais alors ils allaient se battre, se tuer. Que faire ?

— Voulez-vous boire, magister ?

— Non, merci, je boirai en mangeant mon omelette.

Pendant assez longtemps ils parlèrent tous les trois ensemble sans se répondre, et, au milieu de leurs paroles incohérentes, revenaient toujours les mots « manger, sortir, ciel, vent. »

Tout à coup l’idée me vint d’allumer la lampe. Elle était posée à côté du magister avec les allumettes, je la pris.

À peine eut-elle jeté sa flamme qu’ils se turent.

Puis après un moment de silence ils demandèrent ce qui se passait exactement, comme s’ils sortaient d’un rêve.

— Vous aviez le délire, dit l’oncle Gaspard.

— Qui ça ?

— Toi, magister, Pagès et Bergounhoux ; vous disiez que vous étiez dehors et qu’il faisait du vent.

De temps en temps nous frappions contre la paroi pour dire à nos sauveurs que nous étions vivants, et nous entendions leurs pics saper sans repos le charbon. Mais c’était bien lentement que leurs coups augmentaient de puissance, ce qui disait qu’ils étaient encore loin.

Quand la lampe fut allumée je descendis chercher de l’eau dans la botte, et il me sembla que les eaux avaient baissé dans le trou de quelques centimètres.

— Les eaux baissent.

— Mon Dieu !

Et une fois encore nous eûmes un transport d’espérance.

On voulait laisser la lampe allumée pour voir la marche de l’abaissement, mais le magister s’y opposa.

Alors je crus qu’une révolte allait éclater. Mais le magister ne demandait jamais rien sans nous donner de bonnes raisons.

— Nous aurons besoin des lampes plus tard ; si nous les usons tout de suite pour rien, comment ferons-nous quand elles nous seront nécessaires ? Et puis croyez-vous que vous ne mourrez pas d’impatience à voir l’eau baisser insensiblement ? Car il ne faut pas vous attendre à ce qu’elle va baisser tout d’un coup. Nous serons sauvés, prenez donc courage. Nous avons encore treize allumettes. On s’en servira toutes les fois que vous le demanderez.

La lampe fut éteinte. Nous avions tous bu abondamment ; le délire ne nous reprit pas. Et pendant de longues heures, des journées peut-être, nous restâmes immobiles, n’ayant pour soutenir notre vie que le bruit des pics qui creusaient la descente et celui des bennes dans les puits.

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