Читаем Sans famille полностью

Il n’est personne, je crois qui n’ait eu de ces hallucinations où, dans un court espace de temps, on vit des années entières et où l’on parcourt bien souvent d’incommensurables distances ; tout le monde sait comme, au réveil, subsistent fortes et vivaces les sensations qu’on a éprouvées.

Je revis en m’éveillant tous ceux dont je venais de rêver, comme si j’avais passé la soirée avec eux, et tout naturellement il me fut bien impossible de me rendormir.

Peu à peu cependant les sensations de l’hallucination perdirent de leur intensité, mais la réalité s’imposa à mon esprit pour me tenir encore bien mieux éveillé.

Ma famille me cherchait, mais pour la retrouver c’était à Barberin que je devais m’adresser.

Cette pensée seule suffisait pour assombrir ma joie ; j’aurais voulu que Barberin ne fût pas mêlé à mon bonheur. Je n’avais pas oublié ses paroles à Vitalis lorsqu’il m’avait vendu à celui-ci, et bien souvent je me les étais répétées : « Il y aura du profit pour ceux qui auront élevé cet enfant : si je n’avais pas compté là-dessus, je ne m’en serais jamais chargé. » Cela avait, depuis cette époque, entretenu mes mauvais sentiments à l’égard de Barberin.

Ce n’était pas par pitié que Barberin m’avait ramassé dans la rue, ce n’était pas par pitié non plus qu’il s’était chargé de moi, c’était tout simplement parce que j’étais enveloppé dans de beaux langes, c’était parce qu’il y aurait profit un jour à me rendre à mes parents ; ce jour n’étant pas venu assez vite au gré de son désir, il m’avait vendu à Vitalis ; maintenant il allait me vendre à mon père.

Quelle différence entre le mari et la femme ; ce n’était pas pour l’argent qu’elle m’avait aimée, mère Barberin. Ah ! comme j’aurais voulu trouver un moyen pour que ce fût elle qui eût le profit et non Barberin !

Mais j’avais beau chercher, me tourner et me retourner dans mon lit, je ne trouvais rien et toujours je revenais à cette idée désespérante que ce serait Barberin qui me ramènerait à mes parents, que ce serait lui qui serait remercié, récompensé.

Enfin il fallait bien en passer par là, puisqu’il était impossible de faire autrement, ce serait à moi plus tard, quand je serais riche, de bien marquer la différence que j’établissais dans mon cœur entre la femme et le mari, ce serait à moi de remercier et de récompenser mère Barberin.

Pour le moment je n’avais qu’à m’occuper de Barberin, c’est-à-dire que je devais le chercher et le trouver, car il n’était pas de ces maris qui ne font point un pas sans dire à leur femme où ils vont et où l’on pourra s’adresser si l’on a besoin d’eux ; tout ce que mère Barberin savait, c’était que son homme était à Paris ; depuis son départ il n’avait point écrit, pas plus qu’il n’avait envoyé de ses nouvelles par quelque compatriote, quelque maçon revenant au pays : ces attentions amicales n’étaient point dans ses habitudes.

Où était-il, où logeait-il ? elle ne le savait pas précisément et de façon à pouvoir lui adresser une lettre, mais il n’y avait qu’à le chercher chez deux ou trois logeurs du quartier Mouffetard dont elle connaissait les noms, et on le trouverait certainement chez l’un ou chez l’autre.

Je devais donc partir pour Paris et chercher moi-même celui qui me cherchait.

Assurément c’était pour moi une joie bien grande, bien inespérée d’avoir une famille ; cependant cette joie dans les conditions où elle m’arrivait, n’était pas sans un mélange d’ennuis et même de chagrin.

J’avais espéré que nous pourrions passer plusieurs jours tranquilles, heureux, auprès de mère Barberin jouer à mes anciens jeux avec Mattia, et voilà que le lendemain même, nous devions nous remettre en route.

En partant de chez mère Barberin, je devais aller au bord de la mer, à Esnandes, voir Étiennette, — il me fallait donc maintenant renoncer à ce voyage et ne point embrasser cette pauvre Étiennette qui avait été si bonne et si affectueuse pour moi.

Après avoir vu Étiennette je devais aller à Dreuzy, dans la Nièvre, pour donner à Lise des nouvelles de son frère et de sa sœur, — il me fallait donc aussi renoncer à Lise comme j’aurais renoncé à Étiennette.

Ce fut à agiter ces pensées que je passai ma nuit presque tout entière, me disant tantôt que je ne devais abandonner ni Étiennette ni Lise, tantôt au contraire que je devais courir à Paris aussi vite que possible pour retrouver ma famille.

Enfin je m’endormis sans m’être arrêté à aucune résolution, et cette nuit, qui, m’avait-il semblé, devait être la meilleure des nuits, fut la plus agitée et la plus mauvaise dont j’aie gardé le souvenir.

Le matin, lorsque nous fûmes tous les trois réunis, mère Barberin, Mattia et moi, autour de l’âtre où sur un feu clair chauffait le lait de notre vache, nous tînmes conseil.

Que devais-je faire ?

Et je racontai mes angoisses, mes irrésolutions de la nuit.

— Il faut aller tout de suite à Paris, dit mère Barberin, tes parents te cherchent, ne retarde pas leur joie.

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