Читаем Sans famille полностью

— Parce que ce n’est pas la même chose, pas du tout, pas du tout.

— En quoi donc ?

— Je n’ai pas été emmailloté dans des beaux langes, moi, dit Mattia.

— Qu’est-ce que cela fait ?

— Cela fait beaucoup, cela fait tout, tu le sais comme moi. Tu serais venu à Lucca, et je vois bien maintenant que tu n’y viendras jamais ; tu aurais été reçu par des pauvres gens, mes parents, qui n’auraient eu rien à te reprocher, puisqu’ils auraient été plus pauvres que toi. Mais si les beaux langes disent vrai, comme le pense mère Barberin et comme cela doit être, tes parents sont riches ; ils sont peut-être des personnages ! Alors comment veux-tu qu’ils accueillent un pauvre petit misérable comme moi ?

— Que suis-je donc moi-même, si ce n’est un misérable ?

— Présentement, mais demain tu seras leur fils, et moi je serai toujours le misérable que je suis aujourd’hui ; on t’enverra au collège : on te donnera des maîtres, et moi je n’aurai qu’à continuer ma route tout seul, en me souvenant de toi, comme, je l’espère, tu te souviendras de moi aussi.

— Oh ! mon cher Mattia, comment peux-tu parler ainsi ?

— Je parle comme je pense, o mio caro, et voilà pourquoi je ne peux pas être joyeux de ta joie : pour cela, pour cela seulement, parce que nous allons être séparés, et que j’avais cru, je m’étais imaginé, bien des fois même j’avais rêvé que nous serions toujours ensemble, comme nous sommes. Oh ! pas comme nous sommes en ce moment, de pauvres musiciens des rues ; nous aurions travaillé tous des deux ; nous serions devenus de vrais musiciens, jouant devant un vrai public, sans nous quitter jamais.

— Mais cela sera, mon petit Mattia ; si mes parents sont riches, ils le seront pour toi comme pour moi, s’ils m’envoient au collège, tu y viendras avec moi ; nous ne nous quitterons pas, nous travaillerons ensemble, nous serons toujours ensemble, nous grandirons, nous vivrons ensemble comme tu le désires et comme je le désire aussi, tout aussi vivement que toi, je t’assure.

— Je sais bien que tu le désires, mais tu ne seras plus ton maître comme tu l’es maintenant.

— Voyons, écoute-moi : si mes parents me cherchent, cela prouve, n’est-ce pas, qu’ils s’intéressent à moi, alors ils m’aiment ou ils m’aimeront ; s’ils m’aiment ils ne me refuseront par ce que je leur demanderai. Et ce que je leur demanderai ce sera de rendre heureux ceux qui ont été bons pour moi, qui m’ont aimé quand j’étais seul au monde, mère Barberin, le père Acquin qu’on fera sortir de prison, Étiennette, Alexis, Benjamin, Lise et toi ; Lise qu’il prendront avec eux, qu’on instruira, qu’on guérira, et toi qu’on mettra au collège avec moi, si je dois aller au collège. Voilà comment les choses se passeront, — si mes parents sont riches, et tu sais bien que je serais très-content qu’ils fussent riches.

— Et moi, je serais très-content qu’ils fussent pauvres.

— Tu es bête !

— Peut-être bien.

Et sans en dire davantage, Mattia appela Capi ; l’heure était arrivée de nous arrêter pour déjeuner ; il prit le chien dans ses bras, et s’adressant à lui comme s’il avait parlé à une personne qui pouvait le comprendre et lui répondre :

— N’est-ce pas, vieux Capi, que toi aussi tu aimerais mieux que les parents de Rémi fussent pauvres ?

En entendant mon nom, Capi comme toujours poussa un aboiement de satisfaction, et il mit sa patte droite sur sa poitrine.

— Avec des parents pauvres, nous continuons notre existence libre, tous les trois ; nous allons où nous voulons, et nous n’avons d’autres soucis que de satisfaire « l’honorable société ».

— Ouah, ouah.

— Avec des parents riches, au contraire, Capi est mis à la cour, dans une niche, et probablement à la chaîne, une belle chaîne en acier, mais enfin une chaîne, parce que les chiens ne doivent pas entrer dans la maison des riches.

J’étais jusqu’à un certain point fâché que Mattia me souhaitât des parents pauvres, au lieu de partager le rêve qui m’avait été inspiré par mère Barberin et que j’avais si promptement et si pleinement adopté ; mais d’un autre côté j’étais heureux de voir enfin et de comprendre le sentiment qui avait provoqué sa tristesse, — c’était l’amitié, c’était la peur de la séparation, et ce n’était que cela ; je ne pouvais donc pas lui tenir rigueur de ce qui, en réalité, était un témoignage d’attachement et de tendresse. Il m’aimait, Mattia, et, ne pensant qu’à notre affection, il ne voulait pas qu’on nous séparât.

Si nous n’avions pas été obligés de gagner notre pain quotidien, j’aurais, malgré Mattia, continué de forcer le pas, mais il fallait jouer dans les gros villages qui se trouvaient sur notre route, et en attendant que mes riches parents eussent partagé avec nous leurs richesses, nous devions nous contenter des petits sous que nous ramassions difficilement çà et là, au hasard.

Nous mîmes donc plus de temps que je n’aurais voulu à nous rendre de la Creuse dans la Nièvre, c’est-à-dire de Chavanon à Dreuzy, en passant par Aubusson, Montluçon, Moulins et Decize.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Тайна горы Муг
Тайна горы Муг

Историческая повесть «Тайна горы Муг» рассказывает о далеком прошлом таджикского народа, о людях Согдианы — одного из древнейших государств Средней Азии. Столицей Согдийского царства был город Самарканд.Герои повести жили в начале VIII века нашей эры, в тяжелое время первых десятилетий иноземного нашествия, когда мирные города согдийцев подверглись нападению воинов арабского халифатаСогдийцы не хотели подчиниться завоевателям, они поднимали восстания, уходили в горы, где свято хранили свои обычаи и верования.Прошли столетия; из памяти человечества стерлись имена согдийских царей, забыты язык и религия согдийцев, но жива память о людях, которые создали города, построили дворцы и храмы. Памятники древней культуры, найденные археологами, помогли нам воскресить забытые страницы истории.

Клара Моисеевна Моисеева , Олег Константинович Зотов

Проза для детей / Проза / Историческая проза / Детская проза / Книги Для Детей