Два дня тому назад я писал вам по собственному почину. Теперь пишу вам по поручению графини Жаннеты Паумгартен*, которая просит вас контрабандным путем доставить прилагаемое письмо в прелестные руки, коим оно предназначается. Постарайтесь с честью совершить это маленькое предательство. Ведь бывают же случаи, когда цель оправдывает средства, а так как в настоящем случае целью письма, бесспорно, является госпожа <Крюденер>*, то подобная цель может оправдать еще большие крайности… Полагаю, что теперь чаще выпадают минуты, когда с нашей прекрасной приятельницей можно беседовать не в присутствии третьего, а с глазу на глаз. Как я желал бы повидать ее в одну из таких минут… Мы с Жаннетой часто говорим о ней, но все это туманно и не удовлетворяет меня. На самом деле я только с ней люблю говорить про нее, так как после меня она сама лучше всех себя знает… Скажите ей, чтобы она меня не забывала, мою особу, разумеется, одну мою особу, все остальное она может забыть… Скажите ей, что, если она меня забудет, ее постигнет несчастие… Выступит морщинка на лбу или на щеке, или появится прядка седых волос, ибо это было бы предательством воспоминаний ее молодости… Боже мой, зачем ее превратили в созвездие…* она была так хороша на этой земле.
Простите, любезный Гагарин. Сегодня у меня достаточно вдохновения, чтобы написать вам тома, но необходимость в образе хорошо известного вам
Весь ваш
Ф. Тютчев
Тютчевым И. Н., Е. Л. и др., 31 декабря 1836/12 января 1837*
Munich. Ce 31 décembre 1836/12 janvier <18>37
Cette lettre, chers papa et maman, vous sera portée par le g<énér>al Boudberg, envoyé ici par l’Empereur en mission spéciale* et qui repart aujourd’hui. Il nous est arrivé ici dans un mauvais moment et ne remportera que de tristes impressions de Munich. La maladie qui nous afflige depuis trois mois* a — il est vrai — considérablement baissée, mais par je ne sais quelle bizarrerie ses derniers choix sont touchés presque tous sur des personnes de la société. Il est certain que pour la plupart c’étaient des personnes âgées ou infirmes, mais pas moins des cas de mort aussi rapprochés et aussi soudains ne pouvaient manquer de produire une sensation pénible et ont étendu le deuil à la société toute entière. A cela est venu se joindre un deuil de cour*, si bien que nous avons du noir jusque par-dessus les oreilles. C’est au milieu de tout ce noir que nous avons commencé la nouvelle année catholique et que nous achevons la nôtre. C’est le cas plus que jamais de faire des vœux pour celle qui vient et je vous adresse les miens, du fond du coeur. Ma santé pas plus que celle de Nelly et des enfants* ne s’est autrement ressentie de la disposition générale, et le moral s’est maintenu tout aussi intact. En dépit de ses démonstrations multipliées, le choléra n’a pas réussi à faire la moindre impression sur nous. Voilà six ans que j’en ai les oreilles rabattues, et sa présence à Munich n’est pas parvenu à le rafraîchir à mes yeux. Mais je suis plus sensible à ses effets indirects. Munich qui n’est jamais rien divertissant est maintenant d’une tristesse et d’un ennui dont il serait difficile de se faire une idée. C’est comme un homme naturellement insipide et maussade qui aurait la migraine. On s’attendait à quelque fête pour l’arrivée du Roi Othon et de sa jeune femme. Mais le choléra les a empêchés de venir à Munich. Ils sont allés prendre congé de leurs parents au château de Tegernsee* à 18 lieues d’ici.
Vous savez mon histoire. J’avais demandé un congé pour aller passer cet hiver avec vous. Mais quand ce congé est arrivé, le Prince Gagarine m’a demandé avec instance de différer jusqu’au printemps pour en faire usage. Et certes, il m’eût été difficile de le laisser seul dans l’état où il est. Depuis trois mois il dépérit à vue d’œil. Il n’a pas bougé de sa chambre depuis l’entrée de l’hiver, et maintenant c’est à peine s’il quitte son lit. C’est un homme qui s’en va à grands pas. Je doute fort qu’il puisse traîner jusqu’au printemps. Sa femme qui est revenue ces jours-ci de Paris a été effrayée de l’état dans lequel elle l’a trouvé. Pauvre cher homme. Il me fait une peine réelle. Il meurt cassé, blasé et endetté. C’est expier durement quelque bon moment de sa vie. Vous comprenez que dans ces circonstances toute la besogne roule plus que jamais sur moi seul et si je pouvais encore prendre quelqu’intérêt aux affaires, je me félicitais assurément de la complaisance que j’ai eu de rester.