Читаем Том 6. Художественная проза полностью

Les Y'ezidis ont pour premier principe de s'assurer l'amiti'e du Diable, et de mettre l''ep'ee `a la main pour sa d'efense. Aussi s'abstiennent-ils non-seulement de le nommer, mais m^eme de se servir de quelque expression dont la consonnance approche de celle de son nom. Par exemple un fleuve se nomme dans le langage ordinaire schatt, et comme ce mot a quelque l'eger rapport avec le mot sche"itan, nom du Diable, les Y'ezidis appellent un fleuve av'e mazen, c'est `a-dire grande eau. De m^eme encore les Turcs maudissent fr'equemment le Diable, en se servant pour cela du mot nal, qui veut dire mal'ediction; les Y'ezidis 'evitent avec grand soin tous les mots qui ont quelque analogie avec celui-l`a. Ainsi au lieu du mot nalqui signifie aussi fer de cheval, ils disent sol, c'est-`a-dire, semellede souliers d'un cheval, et ils substituent le mot solker, qui veut dire savetier, au terme du langage ordinaire nalbenda, qui signifie mar'echal. Quiconque fr'equente les lieux qu'ils habitent, doit ^etre tr`es-attentif `a ne point prononcer les mots diableet maudit, et surtout ceux-ci, maudit soit le diable; autrement il courrait grand risque d'^etre maltrait'e, ou m^eme tu'e. Quand leurs affaires les attirent dans les villes Turques, on ne peut pas leur faire de plus grand affront que de maudire le diable devant eux, et si la personne qui a eu cette imprudence vient `a ^etre rencontr'ee en voyage par des Y'ezidis et reconnue, elle est en grand danger d''eprouver leur vengeance. Il est arriv'e plus d'une fois que des hommes de cette secte ayant 'et'e arr^et'es pour quelque crime par la justice Turque, et condamn'es `a mort, ont mieux aim'e subir leur condamnation que d'user de la facult'e qui leur 'etait accord'ee, de s'y soustraire en maudissant le Diable.

Le Diable n'a point de nom dans le langage des Y'ezidis. Ils se servent tout au plus pour le d'esigner de cette p'eriphrase, scheikh mazen, le grand chef. Ils admettent tous les proph`etes et tous les saints r'ev'er'es par les Chr'etiens, et dont les monast`eres situ'es dans leurs environs portent les noms. Ils croient que tous ces saints personnages, lorsqu'ils vivaient sur la terre, ont 'et'e distingu'es des autres hommes plus ou moins, selon que le diable a r'esid'e plus ou moins en eux: c'est surtout, suivant eux, dans Mo"ise, J'esus-Christ et Mahomet qu'il s'est le plus manifest'e. En un mot, ils pensent que c'est Dieu qui ordonne, mais qu'il confie au pouvoir du Diable l'ex'ecution de ses ordres.

Le matin, `a peine le soleil commence-t-il `a para^itre, qu'ils se jettent `a genoux les pieds nus, et que tourn'es vers cet astre, ils se mettent en adoration, le front contre terre. Pour faire cet acte de d'evotion, ils se retirent `a part, loin de la pr'esence des hommes; ils font leur possible pour n'^etre point vus quand ils s'acquittent de ce devoir, dont ils se dispensent m^eme suivant les circonstances.

Ils n'ont ni je^unes, ni pri`eres, et disent pour justifier l'omission de ces њuvres de religion, que le scheikh Y'ezid a satisfait pour tous ceux qui feront profession de sa doctrine jusqu'`a la fin du monde, et qu'il en a recu l'assurance positive dans ses r'ev'elations; c'est en cons'equence de cela qu'il leur est d'efendu d'apprendre `a lire et `a 'ecrire. Cependant tous les chefs des tribus et des gros villages soudoient un docteur mahom'etan pour lire et interpr'eter les lettres qui leur sont adress'ees par les seigneurs et les pachas Turcs, et pour y r'epondre. Relativement aux affaires qu'ils ont entre eux, ils ne se fient jamais `a aucune personne d'une autre religion; ils envoient leurs ordres et font faire toutes leurs commissions de vive voix, par des hommes de leur secte.

N'ayant ni pri`eres, ni je^unes, ni sacrifices, ils n'ont aussi aucune f^ete. Ils tiennent cependant le 10 de la lune d'ao^ut une assembl'ee dans le voisinage du tombeau du scheikh Adi. Cette assembl'ee, `a laquelle beaucoup des Y'ezidis se rendent de contr'ees 'eloign'ees, dure toute cette journ'ee et la nuit suivante. Cinq ou six jours avant ou apr`es celui o`u elle a lieu, les petites caravanes courent risque d'^etre attaqu'ees dans les plaines de Moussol et du Kurdistan, par ces p'elerins qui voyagent toujours plusieurs ensemble, et il est rare qu'une ann'ee se passe sans que ce p'elerinage donne lieu `a quelque f^acheux 'ev'enement. On dit qu'un grand nombre de femmes des Y'ezidis, `a l'exception cependant des filles qui ne sont point encore mari'ees, se rendent des villages voisins `a cette r'eunion, et que cette nuit-l`a, apr`es avoir bien bu et mang'e, l'on 'eteint toutes les lumi`eres, et l'on ne parle plus jusqu'aux approches de l'aurore, instant auquel tout le monde se retire. On peut se faire une id'ee de ce qui se passe dans ce silence et `a la faveur des t'en`ebres.

Перейти на страницу:

Похожие книги