Читаем Том 8. Былое и думы. Часть 1-3 полностью

Cet hiver, par une soir'ee pluvieuse, je traversais la rue pour m’abriter sous les arcades de Pall-Mall, lorsque j’apercus sous une lanterne, une jeune femme pauvrement v^etue qui grelottait, attendant une proie. Il me semblait, que je connaissais ses traits. Elle jeta un regard sur moi et se d'etourna. Mais il 'etait trop tard; je l’avais reconnue.

M’approchant d’elle, je lui demandai avec int'er^et, comment elle se trouvait l`a. Une rougeur f'ebrile couvrait ses joues fan'ees. – Etait-ce la honte – ou la phtisie? Je ne sais pas; mais il me semblait bien que ce n’'etait pas le rouge v'eg'etal. Dans ces deux ann'ees elle avait vieilli de dix.

– J’ai 'et'e bien malade, et je suis bien malheureuse, – me dit-elle avec une tristesse profonde et en me montrant du regard ses v^etements pass'es et ternes.

– Mais o`u est donc votre ami?

– Il a 'et'e tu'e en Crim'ee.

– Moi qui le croyais n'egociant.

Un peu interdite, au lieu de me r'epondre, elle m’interrogea d’un air triste:

– Dites-moi, de gr^ace, est-ce que je suis bien chang'ee?

– Oui, lorsque je vous ai vue pour la premi`ere fois on pouvait vous prendre pour une enfant; maintenant vous avez l’air d’avoir vous-m^eme des enfants.

Elle rougit encore plus et me dit, stup'efaite par mon observation:

– Comment l’avez-vous devin'e?

– De mani`ere ou d’autre; mais j’ai devin'e. Maintenant, parlez-moi s'erieusement, que vous est-il donc arriv'e?

– Rien du tout. – Seulement, c’est vrai, j’ai un petit. – Si vous l’aviez vu. Mon Dieu! Qu’il est beau; tous les voisins en sont 'etonn'es. Je n’ai jamais vu un enfant pareil. – L’ autre il s’est mari'e `a une femme riche, et il est parti pour le Continent. Le petit est n'e apr`es, et c’est lui qui m’a plong'e dans cette mis`ere. Au commencement j’avais de l’argent; je lui achetais tout dans les grands magasins. Mais, peu `a peu, tout s’en est all'e; j’ai engag'e ce que j’avais. – On me conseillait de placer l’enfant en nourrice dans quelque village. Certainement cela serait mieux; mais il m’est impossible de m’en s'eparer. Je le regarde – je le regarde, et je pense que c’est mieux de mourir ensemble que de l’abandonner `a des gens qui ne l’aiment pas. J’ai t^ach'e de trouver une place; mais personne ne veut me prendre avec l’enfant. Je suis revenue chez ma m`ere. Elle est bonne; elle m’a tout pardonn'e, et elle aime le petit; elle le caresse. Mais il y a quatre mois, elle perdit l’usage de ses jambes. – Sa maladie nous a bien co^ut'e, et cela ne va pas mieux.Vous savez vous-m^eme, quelle dure ann'ee… Le charbon, le pain, tout est cher. – Nous n’avons pas de v^etements, pas d’argent. – Eh bien! je… Certainement, il serait mieux de se jeter dans la Tamise. – Oh! Ce n’est pas un plaisir, allez… mais… `a qui laisser le petit?..

Je lui donnai quelque argent, et, ajoutant un shelling, je lui dis: «Achetez, avec ce shelling, quelque chose au petit». Elle commenca par prendre l’argent; mais tout `a coup elle le rendit, disant: «Si vous avez tant de bont'e pour moi et pour le petit, achetez-lui quelque chose, dans la premi`ere boutique, vous-m^eme. Cet enfant, depuis qu’il est n'e, n’a jamais recu aucun cadeau de personne».

Je la regardais tout 'emu – et je serrai, avec amiti'e, avec estime, la main de cette femme… perdue.

Les amateurs de la r'ehabilitation feraient peut-^etre mieux de sortir de ces boudoirs parfum'es, o`u ils trouvent, sur des sophas couverts de velours et de damas, des dames aux cam'elias et des dames aux perles, pour s’encanailler un peu. Ils trouveraient, au coin des rues, en regardant en face la d'ebauche fatale, la d'ebauche impos'ee par la faim, la d'ebauche qui entra^ine sans merci ni mis'ericorde, qui ne permet ni de s’arr^eter, ni de prendre haleine, des sujets d’'etude un peu plus s'erieux. Les chiffonniers trouvent plus souvent des diamants dans le ruisseau que dans les oripeaux de th'e^atre, sem'es de paillettes de papier dor'e.

Cela me rappelle le malheureux G'erard de Nerval. Dans les derniers temps, avant son suicide, il s’absentait tr`es souvent pour deux ou trois jours. On sut enfin qu’il passait son temps dans les estaminets les plus mal fam'es. L`a, il avait fait connaissance avec des voleurs, des r^odeurs de barri`eres. Il jouait aux cartes avec eux, il les r'egalait et dormait quelquefois sous leur 'egide. Ses amis le pri`erent de ne plus y aller. Mais Nerval leur r'epondit, avec une grande na"ivet'e: «Chers amis, je vous assure, que vous avez des pr'ejug'es 'etranges et injustes contre ces gens-l`a. Croyez-moi, ils ne sont ni meilleurs ni pires que tous les autres que j’ai connus». – Alors les honn^etes gens ne dout`erent plus de l’ali'enation mentale du traducteur de «Faust».

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