La servante au grand coeur dont vous 'etiez jalouse,Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,Et quand Octobre souffle, 'emondeur des vieux arbres,Son vent m'elancolique `a l'entour de leurs marbres,Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,`A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,Tandis que, d'evor'es de noires songeries,Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,Vieux squelettes gel'es travaill'es par le ver,Ils sentent s''egoutter les neiges de l'hiverEt le si`ecle couler, sans qu'amis ni familleRemplacent les lambeaux qui pendent `a leur grille.Lorsque la b^uche siffle et chante, si le soir,Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,Si, par une nuit bleue et froide de d'ecembre,Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,Grave, et venant du fond de son lit 'eternelCouver l'enfant grandi de son oeil maternel,Que pourrais-je r'epondre `a cette ^ame pieuse,Voyant tomber des pleurs de sa paupi`ere creuse?
^O fins d'automne, hivers, printemps tremp'es de boue,Endormeuses saisons! Je vous aime et vous loueD'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveauD'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.Dans cette grande plaine o`u l'autan froid se joue,O`u par les longues nuits la girouette s'enroue,Mon ^ame mieux qu'au temps du ti`ede renouveauOuvrira largement ses ailes de corbeau.Rien n'est plus doux au coeur plein de choses fun`ebres,Et sur qui d`es longtemps descendent les frimas,^O blafardes saisons, reines de nos climats,Que l'aspect permanent de vos p^ales t'en`ebres,— Si ce n'est, par un soir sans lune, deux `a deux,D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.