La diane chantait dans les cours des casernes,Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.C''etait l'heure o`u l'essaim des r^eves malfaisantsTord sur leurs oreillers les bruns adolescents;O`u, comme un oeil sanglant qui palpite et qui bouge,La lampe sur le jour fait une tache rouge;O`u l'^ame, sous le poids du corps rev^eche et lourd,Imite les combats de la lampe et du jour.Comme un visage en pleurs que les brises essuient,L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,Et l'homme est las d''ecrire et la femme d'aimer.Les maisons c`a et l`a commencaient `a fumer.Les femmes de plaisir, la paupi`ere livide,Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide;Les pauvresses, tra^inant leurs seins maigres et froids,Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.C''etait l'heure o`u parmi le froid et la l'esineS'aggravent les douleurs des femmes en g'esine;Comme un sanglot coup'e par un sang 'ecumeuxLe chant du coq au loin d'echirait l'air brumeux;Une mer de brouillards baignait les 'edifices,Et les agonisants dans le fond des hospicesPoussaient leur dernier r^ale en hoquets in'egaux.Les d'ebauch'es rentraient, bris'es par leurs travaux.L'aurore grelottante en robe rose et verteS'avancait lentement sur la Seine d'eserte,Et le sombre Paris, en se frottant les yeux,Empoignait ses outils, vieillard laborieux.
Un soir, l'^ame du vin chantait dans les bouteilles:"Homme, vers toi je pousse, ^o cher d'esh'erit'e,Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,Un chant plein de lumi`ere et de fraternit'e!Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,De peine, de sueur et de soleil cuisantPour engendrer ma vie et pour me donner l'^ame;Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,Car j''eprouve une joie immense quand je tombeDans le gosier d'un homme us'e par ses travaux,Et sa chaude poitrine est une douce tombeO`u je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.Entends-tu retentir les refrains des dimanchesEt l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?Les coudes sur la table et retroussant tes manches,Tu me glorifieras et tu seras content;J'allumerai les yeux de ta femme ravie;`A ton fils je rendrai sa force et ses couleursEt serai pour ce fr^ele athl`ete de la vieL'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.En toi je tomberai, v'eg'etale ambroisie,Grain pr'ecieux jet'e par l''eternel Semeur,Pour que de notre amour naisse la po'esieQui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"