Eshan contempla un long moment le ciel étoilé par le hublot ovale. Il avait découvert ce minuscule sas deux ans plus tôt, après avoir extirpé les énormes rivets d’une trappe qui donnait sur une succession d’échelles et de passerelles également protégées par des trappes fixées au plancher et dont les rivets étaient à moitié descellés. Au fond d’un passage étroit, il était tombé sur une porte ronde munie d’un hublot et avait compris qu’il suffisait d’appuyer sur le bouton inséré dans la cloison pour en déclencher l’ouverture.
Il avait longtemps hésité devant le champignon de couleur rouge, craignant de provoquer une catastrophe, puis il avait pris la décision de s’en entretenir avec le vieux moncle malgré la méfiance et la répugnance que lui inspirait ce dernier. Le robe-noire lui avait précisé qu’il avait probablement découvert un sas de secours, une pièce tampon entre l’extérieur et l’intérieur du vaisseau, destinée à une éventuelle réparation ou à une évacuation d’urgence. Le moncle avait ajouté qu’il n’avait pas besoin de prendre de précautions particulières tant qu’il n’actionnerait pas le mécanisme de la deuxième porte, celle qui débouchait directement sur le vide.
« Bien que n’étant pas spécialiste des engins spatiaux, je pense que les deux portes sont de toute façon coordonnées, c’est-à-dire que la deuxième refusera de coulisser tant que la première ne se sera pas hermétiquement refermée. Une dépressurisation brutale risquerait en effet de causer d’irréparables dommages au vaisseau. À moins que vous en ayez assez de la vie, je vous déconseille fortement toute promenade dans l’espace : en deux secondes, vous vous retrouveriez à soixante mille kilomètres de
Eshan s’était introduit à trois reprises dans le sas, avait collé son visage au hublot de la porte extérieure et avait admiré le ciel étoilé, légèrement voilé par le halo bleuté du bouclier protecteur du vaisseau.
Ce ciel qu’il n’avait pas contemplé depuis une éternité.
Saisi de vertige, il avait dû déployer toute sa volonté pour ne pas actionner le mécanisme de la deuxième porte, pour ne pas se jeter dans cet océan de ténèbres qui lui promettait l’oubli.
Une veilleuse déposait sa lumière orangée sur les cloisons et le plancher lisses. Son regard heurta le bouton, plus petit et noir celui-ci.
« Ellula… »
Avec elle, il aurait accompli des merveilles. Il eut l’impression qu’elle se tenait à ses côtés, qu’elle l’encourageait d’un sourire chaleureux. Son index se dirigea par mégarde vers le bouton. Une voix vibrante retentit, qui glissa sur lui comme de l’eau sur le poil d’un yonak. Quelqu’un lui demandait s’il avait pris toutes ses précautions et l’informait que le panneau extérieur se refermerait automatiquement dans les cinq secondes après sa sortie.
« Ellula. »
Le bouton s’enfonça sans résistance, la porte coulissa, le silence de l’espace envahit le réduit minuscule. Aspiré par le vide, Eshan Peskeur eut la fugitive impression d’embrasser l’infini.
CHAPITRE XV
DJEMA