La Troisième République, à ses débuts, a du mal à défnir une ligne et à s’engager dans une orientation économique claire. L’existence de tendances contradictoires, l’inexpérience et la méconnaissance des pratiques élémentaires du système économique et fnancier, la simplicité naïve de certains responsables aboutissent au rejet des négociations avec la Banque Mondiale: refus d’honorer les services de la dette, mirage des fnancements parallèles, décisions contradictoires des institutions, autant de signes visibles des contradictions internes du pouvoir annonciateurs de la gabégie qui s’installe.
3.3. L’empêchement d’Albert Zafy (juillet – septembre 1996)
Le bilan économique et social est tristement décevant, voire malheureux: disparition des mesures socialistes réglementant les prix de quelques produits de première nécessité, infation galopante, dépréciation de la santé publique, dégradation du système éducatif, généralisation de la corruption, goût amer de la gabégie et de l’irresponsabilité des dirigeants.
Ce bilan malheureux a entraîné déception et désillusion précoce du peuple qui a déchiré ses fonds de culotte sur le trottoir de la contestation. La nouvelle classe politique adopte des comportements pires que l’ancienne. De 1993 à 1996, les confits sont permanents entre le président de la République, l’Assemblée nationale et le gouvernement.
Conscient des lacunes de la constitution, le président de la République soumet des amendements accroissant ses pouvoirs par référendum, amendements dont Didier Ratsiraka sera le premier bénéfciaire, car le 26 juillet 1996 une motion d’empêchement est adoptée par l’Assemblée nationale contre Albert Zafy. Elle est entérinée par la cour constitutionnelle le 3 septembre 1996.
3.4. Le retour de Didier Ratsiraka (1996–2001)
Des élections anticipées sont annoncées pour le 3 novembre 1996. De suite, Didier Ratsiraka annonce sa candidature et retourne à Madagascar. Il gagne les élections au second tour contre Albert Zafy le 29 décembre 1996. Et il annonce l’avènement d’une «République humaniste et écologique». En 1997, il organise un référendum constitutionnel, amendant la Constitution pour la troisième fois afn de mettre fn à l’instabilité du régime et mettre en place les provinces autonomes et toutes les chances de son côté.
Le second passage de Didier Ratsiraka à la présidence de la République, par rapport à la gabégie laissée par ses prédécesseurs semble avoir eu un bilan meilleur: taux de croissance de 6,5 % en 2000, diminution de la pauvreté en milieu urbain, amélioration sensible du système éducatif, reprise des négociations et amélioration des rapports avec les institutions fnancières internationales (les bailleurs de fonds). De nouveau, face à la carence des autres partis politiques dont il connaît très bien les dirigeants, il n’a pas eu beaucoup de mal à rétablir l’hégémonie de son parti (qui change de dénomination et non de sigle!). La mise en place des provinces autonomes et les déclarations traditionnelles d’allégeance qui s’en suivirent semblaient présager une installation durable du régime. Il faudrait voir dans l’institution des provinces autonomes une volonté de la présidence de la République à disposer d’un soutien solide et efcace, pour préserver une dépendance à une Assemblée nationale désormais peu sûre.
D’ailleurs, vieillissant et s’inspirant probablement des pratiques des précédents dirigeants, Didier Ratsiraka commençait à lancer dans la politique et dans les afaires les membres de sa famille. Le développement de sourdes rivalités au sein de son parti, et surtout la banalisation de la corruption suivie d’enrichissements rapides avait contribué à la fragilisation du régime. Quand Didier Ratsiraka, visiblement en mauvaise santé, annonce sa candidature après avoir fait de l’éclipse du 21 juin 2000 un évènement national, même dans son entourage, seul un petit nombre misait sur lui.
C’est une des perspectives qui annonce l’imbroglio électoral qui s’ensuit.
3.5. Les évènements de 2002
Le maire d’Antananarivo, Marc Ravalomanana, se présente à l’élection présidentielle du 16 décembre 2001. Ce chef d’entreprise, issu de milieu modeste, un «self made man», représentait aux yeux de bon nombre de Malgaches, l’exemple de la réussite honnête, par le travail, la persévérance et le savoir faire. Il faudra ajouter le désir d’un renouvellement de la classe politique, les partis d’opposition ayant déjà fait leur preuve.