Il devait aller à la rencontre d'un ami pour se certifier avec précision de l'adresse de
Tatien.
Il reviendrait dans peu de temps.
Livia satisfaite lui dit de faire ce qu'il avait à faire, mais dès qu'il fut libre de ses mouvements, l'employé de Veturius a disparu...
Au début, l'infirme a attendu, confiante et patiente, néanmoins, au fur et à mesure que les heures passaient, elle sentait que l'angoisse augmentait et asphyxiait petit à petit son cœur...
Elle ne pouvait admettre que Teodul fusse capable de la reléguer à un abandon aussi complet. Son compagnon de voyage pouvait être tombé gravement malade. Quelques obstacles auraient surgi...
Midi passé, elle sentait que la faim et la soif la dérangeaient mais elle craignait de se déplacer.
L'administrateur de la villa pourrait apparaître d'un moment à autre.
Réussissant à vaincre de grandes hésitations, elle interpella plusieurs passants, suppliant des informations concernant Tatien mais personne ne put lui offrir de l'aide. De Teodul, également, elle ne réussit à obtenir les moindres nouvelles.
Pendant des heures et des heures, elle est restée exposée sur la voie publique en plein soleil et au vent.
Dans la soirée quand elle eut perdu l'espoir de retrouver l'administrateur de la villa Veturius, elle est tombée dans un profond découragement.
Elle perçut que le soleil se couchait, que les brises de l'après-midi étaient plus fraiches et s'est rappelée que le destin la répudiait pour la seconde fois...
Elle entendait, de temps en temps, des indécences venant d'hommes impitoyables qui lui adressaient de vils propos, et angoissée elle se demandait comment procéder.
Elle se trouvait aussi seule en Sicile qu'elle l'avait été à sa naissance dans la lande en Chypre.
Pourquoi était-elle venue au monde avec un tel destin ? — réfléchissait-elle tourmentée. Aurait-elle encore une mère en ce monde ? À quelle famille était-elle affiliée ? Quelle tragédie passionnelle avait précédé sa naissance ? Nouveau-née, elle n'avait pas ressenti de sensation d'abandon, mais maintenant... Femme consciente, avec tant de rêves perdus, elle éprouvait une grande souffrance morale.
Où irait-elle ?
Si, au moins, elle pouvait travailler...
Mais elle se sentait inutile et aveugle.
Comment résoudrait-elle l'avenir ?
Elle rendit grâce à Dieu de pouvoir pleurer librement . . Depuis sa séparation de Basil, jamais elle ne s'était souvenue de la tendresse paternelle avec tant d'intensité qu'en cette heure.
Le vieux philosophe lui avait enseigné que la mort n'existe pas, que les âmes vivent au-delà de la terre dans des sphères compatibles avec l'amélioration morale dont ils sont porteurs. Jamais, elle n'avait mis en doute ses moindres leçons. L'affectueux protecteur continuait certainement à vivre quelque part... Mais pourrait-il par hasard l'accompagner dans sa douleur ?
Elle s'est rappelée des réunions évangéliques chez Vestinus et chercha à s'accrocher à
sa foi.
Elle était sûre que ses amis partis avant elle dans la mort ne l'oublieraient pas, alors qu'elle était reléguée à la solitude.
Des larmes coulaient sur son visage que le vent fort du crépuscule soufflait, impitoyable, et mentalement elle a supplié :