Alarmée, Hélène une nuit a attendu sa fille dans ses appartements privés et notant son arrivée à une heure avancée, elle l'a interpellée sévèrement, lui reprochant son comportement incompréhensible.
Avant même que ses paroles deviennent plus dures, Anaclette l'a suppliée, affectueuse:
Hélène, contrôle-toi.
Et modifiant le ton de sa voix comme pour lui demander de se rappeler de son propre passé, elle a conseillé :
Qui parmi nous n'est pas passé par de dangereux détours dans la vie ? Taisons- nous pour l'instant. Ne provoque pas la présence de ton père âgé et malade dans cette pièce ! Les phrases dures ne corrigent pas les erreurs commises. Si tu désires soutenir ta fille, ne manque pas de patience. Personne ne peut être secouru avec de l'irritation. Si tu ne peux aider aujourd'hui notre Lucile, remets-en au silence, réfléchis et nous attendrons le temps qu'il faudra. Il se peut que demain nous apporte l'aide souhaitée...
La femme en pleurs a accepté les conseils et s'est retirée, moralement anéantie, alors que la vieille servante accommodait la jeune fille abattue dans son lit, restant auprès d'elle avec dévotion et bonté.
Anaclette semblait comprendre.
Le lendemain matin, Teodul arrivait à la métropole en provenance de Lyon.
Hélène a ressenti un immense soulagement.
Elle avait trouvé le confident en mesure de lui apporter une aide décisive.
Sans perdre de temps, ils ont eu ensemble et en privé un long entretien dans une pièce isolée. Mais, après avoir beaucoup pleuré, mettant son ami au courant de la réelle situation dans la maison, la matrone épouvantée, a entendu ce qu'il avait à dire concernant les événements en cours dans la province.
L'envoyé de Veturius, augmentant tant que possible sa version personnelle des faits, l'informa qu'il ne nourrissait pas le moindre doute sur l'infidélité conjugale de Tatien, assurant que lui et Livia s'aimaient éperdument. Il a dépeint la vie dominée par cette nouvelle femme qui avait conquis, non seulement le cœur de son mari, mais également celui de sa fille puisque Blandine vivait au foyer comme son élève docile. Il a raconté que le vieux philosophe devait être quelque conspirateur déguisé à explorer les dons de la jeune femme, car lui, Teodul, était convaincu que l'intelligent vieillard recevait de larges sommes d'argent de la part de Tatien afin de se taire et d'être d'accord avec la déplorable situation, ajoutant même que le père et la fille n'étaient que des imposteurs de la secte des nazaréens.
Son interlocutrice a noté ces informations avec l'expression d'une lionne blessée.
Elle a levé ses bras vers le ciel en invoquant la malédiction des dieux sur tous ceux qui perturbent sa tranquillité domestique mais se reprenant grâce aux gestes d'affection que son ami lui prodiguait, elle a supplié l'intendant d'Opilius de la guider dans ses décisions.
Premièrement — a-t-il considéré, sagace, il est nécessaire d'avoir des informations complètes sur le séducteur de Lucile. Est-il marié ? Possède-t-il des biens de valeur ? Serait-il en mesure de concourir avec notre Galba dans cette course au mariage? Sentant la délicatesse du sujet, je me propose de l'observer. Je commencerai ma tâche, aujourd'hui même. J'ai des amis à l'amphithéâtre. Le trouver en personne ne sera pas très difficile. Et en le trouvant, j'essayerai de gagner sa confiance, parce qu'après la confiance, le vin fera le reste... Tout naturellement, il parlera de lui-même. Nous verrons, alors, s'il peut être utile d'accepter une alliance avec lui...
Mais s'il n'est qu'un intrus comme je le crois ? S'il s'agit d'un scélérat portant l'habit d'un homme respectable ?
Dans cette hypothèse que souhaiterais-tu faire ? — a demandé Teodul avec un grand sourire.
À ces paroles, les beaux yeux félins d'Hélène n'ont fait qu'un tour dans leur orbite et elle a répondu sèchement :
Ma revanche est la destruction. La mort est le remède aux situations irrémédiables. Je n'hésiterai pas. J'ai beaucoup de poison pour nettoyer le chemin...
Tous deux se sont mis à passer en revue les moindres détails du sinistre plan né de leur conversation et c'est avec de tristes intentions en tête que l'ami inconditionnel de la matrone s'est rendu à l'amphithéâtre sous prétexte d'assister aux exercices de l'école des gladiateurs.
II n'eut pas de difficultés à retrouver d'anciens compagnons parmi lesquels Septime Sabin, un vieux joueur, qui interrogé habilement affirma connaître Marcel et promit de le lui présenter le jour même, un peu plus tard.
Le jeune homme serait à une soirée, chez Aprigia, une danseuse célèbre qui savait rassembler beaucoup d'hommes en un même endroit autour de sa grande beauté.
Et de fait, dans la soirée, Sabin et Teodul parlaient dans le salon illuminé de la résidence de la singulière femme qui était installée au pied du Tibre quand Volusianus est entré le visage contrarié.
Il semblait triste et inquiet.