Nous sommes les héritiers de la foi immortelle des vénérables apôtres qui nous l'ont transmise de leur propre sang, avec leurs propres larmes ! Pourquoi démériter leur confiance en se disant abandonnés ?
« Que votre cœur ne se trouble — a dit le Seigneur —, vous qui croyez en Dieu, croyez aussi en moi ! ».
Nous sommes en paix parce que nous croyons ! La peur ne nous inquiète pas, parce que nous croyons ! La victoire spirituelle sera nôtre, parce que nous croyons !...
La parole inspirée du vieux prêcheur se fit silencieuse pendant un long moment.
La petite salle semblait soudainement enflammée de lumière et les murs se sont comme effacés aux yeux spirituels de Vestinus.
Les six femmes et les quatorze hommes présents se sont tous regardés, émerveillés, en extase. Aimantés par un destin commun, ils ressentaient un bonheur uniquement accessible à ceux qui réussissent à tout dépasser et oublier par amour pour un idéal sanctifiant.
Basil pressait entre ses mains la main droite de Livia avec ce paternel enchantement des grandes affections qui méconnaissent la mort.
Près d'eux, la veuve Césidia et ses filles Lucine et Prisca se sont regardées, heureuses.
Hilarion et Marciane, Tiburce et Scribonia, deux vieux couples qui avaient tout cédé pour la cause du Seigneur, se sont étreints, contents.
Livia, regardant les visages exaltés qui l'entouraient, ne ressentait plus la crainte qui l'oppressait au début. Manifestant une souveraine tranquillité de cœur, elle s'est souvenue de Tatien et de Blandine, les seuls amis les plus intimes qui lui restaient.
Comme elle les aimait profondément !
Tatien avait une femme et un foyer et Blandine grandirait et aurait, tout naturellement, une belle destinée.
Que pouvait-elle faire si ce n'est se résigner face à la volonté de Dieu ? Ne devait-elle pas se réjouir de pouvoir consoler son dévoué père qui l'avait reçue amoureusement dans cette vie ? Ne devait-elle pas se sentir infiniment heureuse de se voir parmi les fidèles partisans du Christ, honorée de l'occasion de prouver sa foi ?
Alors elle a fixé avec attention le visage calme de Basil dont les yeux étincelaient de joie et d'espoir...
Jamais son père adoptif ne lui avait semblé aussi beau. Ses cheveux blancs paraissaient renvoyer des rayons de clarté azurée.
Pour la première fois, elle réfléchissait aux afflictions et aux luttes que le vieux philosophe avait traversées... elle pouvait imaginer les nostalgies qui l'accompagnaient certainement, depuis sa jeunesse lointaine, médita sur l'amour qu'il lui avait dévoué, à elle qui avait été abandonnée dans une lande au lever du jour et ressentit pour cet homme courbé par la vieillesse, une affection filiale plus forte et plus pure, renouvelée et différente..
Quelque chose en elle fut sublimée.
Instinctivement, elle a retiré sa dextre des mains ridées qui la retenaient et l'a étreint avec une tendresse qui, jusqu'à présent, lui était inconnue.
Elle a senti battre son cœur dans sa poitrine fatiguée et en lui embrassant la face, avec une extrême émotion, elle lui dit tout bas :
Mon père'...
Touché d'une joie mystérieuse, Basil a laissé couler quelques larmes et a balbutié :
Tu es heureuse, ma fille ?
Très heureuse..
Il a embrassé ses cheveux bruns ondulés qu'un fil doré retenait et a affirmé en murmurant :
Que votre cœur ne se trouble !... ceux qui s'aiment en le Christ, vivent au-delà de la séparation et de la mort...
À cet instant, Vestinus serein a levé sa tête inondée par l'expression d'un bonheur ignoré sur terre et poursuivit :
Notre enceinte est glorieusement visitée par les martyrs qui nous ont précédés...
Et, la voix presque saisie de sanglots nés de la joie que son cœur ressentait, il a continué :
Ils éblouissent mes yeux de la lumière bénie dont ils sont vêtus ! Devant eux, est entré Irénée, notre berger inoubliable, portant dans ses mains un rouleau éclatant...