Два последних письма Дантеса подтверждают не только то, что он писал любовные письма Наталии Николаевне, но и то, что после получения Пушкиным анонимных писем и состоявшегося объяснения с женой она показала ему письма Дантеса. Писались эти любовные письма, как Пушкин и предполагал, с ведома и при участии Геккерена. Выдаёт это обстоятельство просьба Дантеса к Геккерену не использовать в разговоре с Наталией Николаевной «выражений, которые были в том письме».
Несомненно, что целый ряд утраченных деталей мозаичной картины трагедии, которая не перестаёт волновать Россию, восполнен публикуемыми письмами. Пуговица Пушкина как будто бы вернулась на положенное ей место на хлястике злополучной бекеши, в которой Пушкин отправился было на место роковой дуэли, но из-за холода сменил её на медвежью шубу.
I
Pétersbourg, le 18 Mai 1835
Mon cher ami, vous ne pouvez vous imaginer combien votre lettre m'a fait de plaisir et en même temps combien elle m'a rassuré, car vraiment j'avais une peur affreuse que le mal de mer ne vous donne des crampes, et cela aurait été terrible sur le bateau, où l'on n'est pas plus chez soi que dans une salle de spectacle; mais Dieu merci le tout s'est parfaitement bien passé, et vous en avez été quitte pour payer votre tribut comme le commun des martyrs. Nous avons été moins heureux dans notre traversée car notre retour a été la chose la plus ridicule et en même temps la plus extravagante de la terre. Vous vous rappelez sans doute l'affreux temps qu'il fit quand nous vous avons quitté. Eh bien! Ça n'a fait que grandir et embellir, une fois arrivés en plein golfe; aussi avons-nous été dans un bel état; d'abord Bray qui faisait tant son embarras sur le grand bateau ne savait plus à quel saint se vouer, et il a tout de suite commencé à nous donner non seulement une répétition exacte du dîner mangé à bord, mais de tous ceux qu'il avait faits depuis 8 jours, avec accompagnement d'exclamations dans toutes les langues et soupirs dans toutes les notes; le comte Loubinski, assez raisonnable pour l'évacuation, mais misérable pour la tête, car il n'y voyait plus clair; Barante immobile couché sur le dos sans manteau au milieu du pont et tenant la voile depuis Cronstade jusqu'à Pétersbourg. Celui-ci je ne m'en moque pas mais je le plains, car un homme dans un état de santé comme le sien et qui fait de telles extravagances est un fou: je n'ai pas besoin de vous nommer le héros de l'expédition, vous vous en doutez déjà! Oui, Beaubrinski était magnifique, calme et imposant dans le danger car il y avait excessivement de danger
Voilà, mon cher, tout ce qui s'est passé d'extraordinaire et d'agité dans mon existence depuis que vous avez quitté la Russie, car je mène la vie la plus retirée et la plus tranquille qu'il est possible de s'imaginer. Je suis couché tous les jours à 11 heures et levé à 9 heures; assez beau temps pour nos exercices, de sorte que je me porte à ravir. Quant à mon ami Gevers je ne sais comment il s'arrange, je l'aperçois rarement, il n'est presque jamais à la maison, et court comme un rat empoisonné: aussi les nouvelles connaissances lui rapportent des dîners, voire même des huîtres et des places dans les loges les jours de bénéfice, car depuis votre départ il a usé successivement de tous ces plaisirs sans que sa bourse puisse lui faire un seul reproche ou lui en dire un seul mot. Mais moi qui l'observe parce que cela m'amuse, je puis vous assurer qu'il vient de faire la connaissance intime d'Engelgart et qu'il en profite joliment.
Par contre il est moins heureux pour ses équipages et chevaux. Il vient de vendre les deux blancs et il avoue avoir perdu de 50 à 75 roubles. Au reste il a très bien fait de les vendre: l'un allait toujours au galop et l'autre boitait le lendemain du jour où il s'en était servi.