Читаем Cinquante ans plus tard полностью

Ces terribles confidences retentissaient aux oreilles de l'officier comme une clameur de revanche qui revendiquerait une vengeance suprême. Néanmoins, en toute conscience, toutes ces émotions ne lui suffisaient pas pour arriver à identifier la vérité. Il avait besoin de quelque chose qui parle à sa raison.

Et comme si Claudia Sabine devinait ses pensées, elle comprit ses hésitations silencieuses :

Silain, mon fils, Cneius Lucius ne t'a-t-il pas confié un petit médaillon que j'avais enveloppé dans tes habits d'enfant abandonné ?

Si - a dit le jeune extrêmement perturbé -, je porte avec moi ce souvenir...

Tu ne l'as jamais ouvert ?

- Jamais.

À cet instant, néanmoins, l'émissaire de Fabius a plongé sa main dans une bourse qu'il portait toujours sur lui et en retira le petit médaillon que la condamnée a dévisagé anxieusement.

-À l'intérieur, mon fils - a-t-elle dit -, un jour j'ai écrit ces mots : Mon petit, je te confie à la générosité étrangère avec la bénédiction des dieux. - Claudia Sabine.

Silain Plautius a ouvert le médaillon, nerveusement, conférant, un à un, chacun des mots prononcés.

Une émotion violente lui fit perdre ses moyens. La pâleur de marbre qu'il portait sur son front s'accentua. Le regard effaré, il prit une expression vitreuse d'horreur et d'effroi. Ses larmes ont cessé comme si un sentiment étrange effleurait son âme. Claudia Sabine, se sentant vivre ses derniers instants, dévisageait anxieusement ces transformations soudaines.

Comme s'il avait ressenti la plus radicale de toutes les métamorphoses, le jeune homme s'est incliné sur sa victime et s'est écrié atterré :

Mère !... ma mère !...

Dans ces mots, il y avait un mélange de sentiments indéfinissables et profonds ; ils s'étaient échappés de sa poitrine comme un cri de satiété affectueuse après plusieurs années d'inquiétude et de tourments.

Recevant cette suprême et douce manifestation d'affection à l'heure extrême, la condamnée, dont la voix s'éteignait, lui dit :

Mon fils, pardonne mon passé vil et ténébreux !... Les dieux me punissent en me faisant périr par les mains de celui à qui j'ai donné la vie !... Mon fils, mon fils, malgré tout, j'aime ces mains qui m'apportent la mort !...

Le pupille de Cneius Lucius s'est penché sur le tapis taché de sang. Dans un geste suprême qui démontrait toute sa détresse et l'oubli de l'abandon maternel, pour ne penser qu'à ce lugubre destin qui l'avait conduit au matricide, il a pris dans ses mains la tête inerte de la condamnée dont le regard semblait, maintenant, se réjouir des pensées énigmatiques et criminelles de son âme.

Un phénomène intéressant, c'est alors opéré. Comme si elle avait complètement satisfait son dernier désir, l'organisme spirituel de Claudia Sabine a abandonné son corps terrestre. Sa volonté psychique satisfaite, le sang se mit à gicler en un jet intense et rouge de son pouls ouvert...

Se sentant dans les bras de l'officier qui la regardait halluciné, elle dit à nouveau d'une voix entrecoupée :

- Ainsi... mon fils... je sens... que tu... me pardonnes !... Venge-moi !... Fabius... Corneille... doit mourir...

Les sanglots de l'agonie ne lui permirent pas de continuer, mais ses yeux envoyaient à Silain les plus singuliers messages que le jeune homme interpréta comme des appels suprêmes de vengeance.

Une pâleur de cire avait alors couvert son front contracté dans un rictus de terreur angoissée. Le messager du censeur a ouvert les portes, se présentant à ses compagnons, le visage bouleversé.

Son regard fixe et terrible semblait être celui d'un fou. Au fond, les plus fortes perturbations mentales subjuguaient son esprit désemparé. Il se sentait le plus petit et le plus malheureux des êtres. Il prononça un mot d'ordre à peine et se remit en chemin, de retour au centre urbain, tandis que les serviteurs dévoués de Claudia, en larmes, enveloppaient son cadavre.

Bien que Lydien et Marc, tout comme d'autres amis prétoriens fassent leur possible pour attirer son attention sur tel ou tel détail concernant les événements passés, Silain Plautius gardait un silence inflexible et sombre.

L'idée que Fabius Corneille puisse connaître son terrible passé et qu'il n'ait pas hésité à faire de lui l'assassin de sa mère, ainsi que les histoires calomnieuses de Claudia Sabine, à sa dernière heure, concernant le censeur et ses pratiques dans le passé, provoquèrent en lui une perturbation cérébrale intraduisible. La pensée que jusqu'à la fin de ses jours, il doive se considérer comme un matricide le tourmentait terriblement et lui suggérait les plus horribles projets de vengeance. Dominé par de vils sentiments, il caressait un poignard qui reposait dans son étui, jouissant antérieurement de l'instant où il se sentirait vengé de toutes les offenses vécues dans sa vie.

Il faisait nuit quand il a pénétré dans l'imposant édifice où Fabius Corneille l'attendait, dans un magnifique cabinet suffisamment illuminé.

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