Читаем Cinquante ans plus tard полностью

Une fois son impressionnant récit achevé, Caius Fabricius raconta à sa femme et à son beau-père sa rencontre avec Célia, dix ans auparavant quand il se dirigeait vers la Campanie répondant à l'époque à des affaires urgentes. Jamais il n'y avait fait référence par égard au vœu formel formulé de ne se souvenir de la jeune fille que comme étant une chère défunte. Jamais il n'avait oublié l'émouvant tableau de sa belle-sœur abandonnée dans la solitude de la nuit, près de la montagne de Terracine, et combien de fois s'en était-il voulu d'être resté indifférent et sourd à ses appels.

Helvidia et son père l'ont écouté pris de peine et de terreur.

Ce n'est qu'à ce moment là, à l'examen de tous les sacrifices de sa chère fille, réfléchissant à ses tourments moraux pour exempter sa famille des coups de la malchance et de la calomnie, que le fils de Cneius Lucius réussit à éveiller en lui les traces de sa sensibilité pour se raccrocher à la vie. Le récit de son gendre venait confirmer que Célia vivait quelque part.

Il s'est rappelé sa femme et se mit à penser que si Alba Lucinie avait encore été sur terre, elle aurait senti une immense joie de pouvoir étreindre à nouveau sa fille discréditée. Certainement que du ciel, sa chère compagne saurait guider ses pas et bénir ses efforts. Et un jour, quand la providence des dieux le permettrait, l'âme de sa femme guiderait son cœur ulcéré jusqu'à sa fille pour qu'il puisse mourir en lui baisant les mains.

Plongé dans ces angoissantes cogitations avec une grave sérénité pour éclairer ses pas, Helvidius Lucius se mit à pleurer pour soulager sa profonde détresse. Maintenant qu'Helvidia les séchait de son affection, ses larmes étaient comme ces pluies bénéfiques qui lavent le ciel après le fracas de la tempête.

Et comme si un nouvel espoir l'animait, le tribun convertit toutes ses douleurs dans le souhait de retrouver, coûte que coûte, son enfant expulsée du foyer pour soulager sa conscience. Au fond, il désirait mourir pour retrouver sa compagne bien-aimée, mais il voulait aussi lui donner la certitude que Célia était réapparue et qu'à genoux, il avait supplié le pardon de sa fille qu'il n'avait pas su comprendre. Avec cette intention en tête, il prit la direction de Campante avec ses enfants et retourna à Capoue. Après quelques jours de repos, il dispensa la compagnie de tous ses serviteurs afin de se livrer seul aux recherches nécessaires et il partit pour le Latium, bien qu'Helvidia l'ait supplié d'accepter au moins la compagnie de son gendre.

Triste et sans compagnie, le vieux tribun a déambulé inutilement dans toutes les villes près de Terracine. Il s'est longuement arrêté dans la grotte de Tibère à évoquer les pénibles souvenirs de son beau-fils. Malgré tous ses efforts, ce fut en vain qu'il parcourut l'Italie entière.

C'est ainsi qu'une année après la mort de Lucinie, il est retourné à Rome plus démoralisé que jamais.

Se sentant profondément désemparé, il était comme un bel arbre singulièrement isolé devant la grande plaine qu'était sa vie. Quand il avait encore à ses côtés ses compagnes, il pouvait supporter les ouragans violents qui s'abattaient des hauteurs, mais une fois que les troncs proches dont la présence le fortifiait furent abattus, il était maintenant bien incapable de résister aux vents les plus légers des vallées obscures de la douleur et de la destinée.

Recueilli dans son cabinet, il ne recevait que la visite de ses amis les plus intimes dont les propos ne rappelaient pas à son esprit tourmenté les souvenirs de son malheureux passé.

Un jour, néanmoins, un esclave vint annoncer la visite d'un ancien camarade d'enfance, Rufus Properce, dont il connaissait la triste histoire de ses dernières années. Malgré ses propres luttes, il avait été informé de ses nombreux malheurs.

Helvidius Lucius le fit entrer, empressé de le revoir comme un frère de douleurs et de souffrances.

Une fois qu'ils eurent échangé les premières impressions, Rufus Properce lui dit :

Cher Helvidius, après une si longue séparation et face aux cruelles hécatombes de mon existence, ma force morale te surprend. Je dois t'expliquer la raison de ma résignation et de ma sérénité. C'est qu'aujourd'hui, j'ai abandonné nos croyances inexpressives pour m'attacher à Jésus-Christ, le Fils de Dieu vivant !...

Comment cela est-il possible ? - s'exclama le tribun intéressé.

Oui, aujourd'hui je comprends mieux la vie et les souffrances en ce monde. Ce n'est qu'à travers les trésors de l'enseignement chrétien que j'ai trouvé la force nécessaire à la compréhension de la douleur et de la destinée. Seul Jésus, par ses leçons de compassion et de miséricorde, peut nous sauver de l'abîme de nos angoisses profondes pour une vie meilleure qui ne comporte pas les tromperies et les désillusions amères de la terre..

Et pendant qu'Helvidius Lucius l'écoutait, perplexe de rencontrer un ami intime ancré dans la foi ardente et pure parmi les décombres de son temps, Properce ajoutait :

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