Читаем Cinquante ans plus tard полностью

En quelques minutes, le frère Marin lui avait arrangé un lit modeste mais propre et l'obligeait à se reposer. Portée par une joie rayonnante, la jeune femme se déplaçait d'un côté à l'autre de la pièce et elle ne tarda pas à servir au tribun, surpris, un bouillon substantiel et un verre de lait pur qui ont réconforté son organisme. Puis vinrent les remèdes faits maison préparés par elle-même avec un indicible plaisir.

La nuit avec son cortège d'ombres était tombée, quand le frère Marin s'est assis auprès de son hôte enchanté et ému d'une si grande sollicitude.

Ils ont alors parlé de Jésus, de l'Évangile, rapprochant harmonieusement leurs avis et leurs concepts concernant l'Agneau de Dieu et l'exemple de sa vie.

De temps en temps, le tribun dévisageait son interlocuteur avec le plus grand intérêt, gardant en tête l'impression qu'il l'avait rencontré ailleurs.

Finalement, grâce au profond bien-être qu'il sentait renaître en lui, Helvidius Lucius

lui dit :

Je suis venu au christianisme tel un naufragé après les plus amères défaites du monde! Je sens que le Divin Maître a envoyé à mon âme tous les doux appels de sa miséricorde ; néanmoins, je suis longtemps resté sourd et aveugle, commettant de lamentables erreurs. Il a fallu qu'une hécatombe de malheurs s'abatte sur mon foyer et sur ma destinée, pour qu'au grondement de la tempête destructrice, je réussisse à rompre les parois qui me séparaient de la claire compréhension des nouveaux idéaux fleurissant à la mentalité et au cœur du monde.

Je n'ai jamais confié à qui que ce soit les épisodes poignants de ma vie, mais je sens que vous, apôtre de Jésus et adepte du Maître dans l'exemple du bien, pourrez comprendre mon existence, m'aidant à raisonner évangéliquement, pour que j'accomplisse mes devoirs dans mes derniers jours d'activité sur terre. Jamais, où que ce soit, je n'ai cessé de ressentir tel ou tel doute qui m'affligeait ; ici, néanmoins, sans savoir pourquoi, j'éprouve une tranquillité inconnue. Je pense pouvoir avoir confiance en vous, comme en moi-même !... Depuis longtemps, je ressens le besoin d'un réconfort direct et c'est à vous que je confie mes plaies, espérant une aide affectueuse et fraternelle !...

Si cela vous fait du bien, mon ami - lui fit la jeune femme, séchant une larme discrète - vous pouvez vous fier à mon cœur, qui priera le Seigneur pour votre paix spirituelle en toutes circonstances dans la vie...

Et pendant que le frère Marin caressait sa tête blanchie prématurément, tourmenté par des souvenirs oppressants, sans pouvoir expliquer le motif de sa confiance, Helvidius Lucius se mit à lui raconter la pénible histoire de son existence. De temps en temps, sa voix était étouffée par l'un ou l'autre souvenir ou épisode de sa vie. À chaque pause son interlocuteur, ému, répondait à son état d'âme par telle ou telle remarque, trahissant ses propres réminiscences. Le tribun était étonné, mais il attribuait le fait aux facultés divinatoires présumées de l'apôtre de l'amour et de la charité pure, qu'il avait devant lui.

Après de longues heures de confidences où tous deux pleuraient en silence, Helvidius finit par conclure :

Voilà frère Marin, ma pauvre histoire. De toutes les tragédies rappelées, je garde de profonds remords, mais ce qui me contrarie le plus, c'est d'avoir été un père injuste et cruel. Avec un peu plus de calme et un peu moins d'orgueil, je serais arrivé à la vérité, éloignant les funestes génies qui pesaient sur mon foyer et ma destinée !... En me rappelant ces événements, aujourd'hui encore, je me sens transporté à ce terrible jour où j'ai expulsé de mon cœur ma fille chérie. Depuis que j'ai appris son innocence. |<- l.i cherche désespérément de toute part ; il me semble, néanmoins, que Dieu, punissant mes actes condamnables, m'a livré au suprême martyre moral pour que je comprenne toute l'extension de mes fautes. Voilà pourquoi, frère, je me sens comme accusé par la justice divine, sans consolation et sans espoir. J'ai l'impression que pour réparer mon grand crime, je dois marcher comme le juif errant de la légende, sans repos et sans lumière dans mes pensées. Par mon exposition sincère et émouvante, vous comprenez maintenant que je suis un pécheur déçu par tous les remèdes du monde. Voilà pourquoi, j'ai décidé de faire appel à votre bonté pour m'apporter la consolation. Vous qui avez illuminé tant d'âmes, ayez pitié de moi qui suis un naufragé désespéré !

Les larmes étouffaient sa voix.

Se sentant touchée dans toutes les fibres de son cœur, sa fille douce et aimante l'écoutait les yeux larmoyants.

Elle aurait souhaité révéler son secret à son père, embrasser ses mains ridées, lui dire sa joie de le retrouver sur le même chemin qui la conduisait vers Jésus... Elle aurait voulu lui dire qu'elle l'avait toujours aimé et qu'elle avait oublié ses sanglots passés, afin de pouvoir tous deux s'élever au Seigneur, dans une même vibration de foi, mais une force mystérieuse et incoercible paralysait son élan.

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