Affrontant les dangers de la situation politique, il n'a pas cherché à cacher ses convictions religieuses, il exaltait les vertus du christianisme dans les sphères les plus aristocratiques. Ses amis, néanmoins, l'écoutaient peines. Pour ceux qui partageaient son environnement social, Helvidius Lucius souffrait des signes les plus évidents de perturbation mentale, provenant de la douloureuse tragédie qui s'était abattue sur son foyer dans un deuil perpétuel et angoissant. Néanmoins, comme s'il renonçait à tous les honneurs exigés par sa condition, le tribun semblait inaccessible aux opinions d'autrui et au grand étonnement de toutes ses relations, il consacra la majeure partie de ses biens patrimoniaux à des œuvres de charité, dont des orphelins et des veuves se bénéficièrent.
Ses humbles compagnons de la porte Appienne se réjouissaient de son ardeur évangélique dont il donnait, maintenant, un vrai témoignage en les aidant dans leurs efforts et en les défendant publiquement. Il ne se livrait plus à l'oisiveté sociale, et parfois dans la matinée, il était aperçu sur l'Esquilin ou dans Suburre, au Trastevere ou au Vélabre, en quête d'informations sur telle ou telle famille d'indigents. Et ce n'était pas tout. Il rendit aussi visite aux descendants d'Hatéria, dans l'intention de lui pardonner, mais il n'obtint aucune nouvelle la concernant, car personne ne connaissait la tragique fin de la petite vieille qui eut lieu dans des conditions aussi occultes qu'elle avait pratiqué le mal. Le tribun, néanmoins, a profité de son séjour à Benevento pour enseigner aux membres de cette famille qui se considérait sous sa tutelle, les méthodes appliquées par le frère Marin dans le traitement soigné de la terre. Puis, il est parti pour la propriété de Caius Fabrice, où il a assumé volontairement la direction de nombreux services agricoles, utilisant les procédés qu'il ne pourrait jamais oublier, en se faisant aimer comme un père par tous ceux qui recevaient volontiers ses idées nouvelles et intéressantes.
Toutefois, après tant de travaux salutaires, l'ancien tribun est tombé malade, inquiétant le cœur de ses enfants et de ses amis.
Il a passé ainsi un mois, abattu et souffrant, quand un jour, mélancolique et tremblant, il a appelé sa fille et il lui dit avec la plus grande tendresse :
- Helvidia, je sens que mes jours en ce monde sont comptés et je désirerais revoir le frère Marin, avant de mourir.
Elle lui fit comprendre les risques qu'il encourait à faire un tel voyage, mais le tribun réagissait avec tant d'insistance qu'elle finit par accepter à la condition de se faire accompagner par son gendre. Helvidius Lucius a refusé alléguant ne pas vouloir interrompre le rythme domestique. Ils ont décidé alors qu'il voyagerait avec deux serviteurs de confiance, en cas d'éventualité.
Se sentant mieux, conforté à l'idée de retourner à Alexandrie et de revoir les endroits où il avait ressenti un si grand réconfort dans sa détresse morale, le tribun s'est correctement préparé, malgré les craintes de sa fille, qui a embrassé ses mains avec tendresse, le cœur rempli de mauvais présages au moment du départ.
Helvidius Lucius l'a serrée dans ses bras avec un regard ineffable, il contempla ensuite le paysage agricole, mélancoliquement, comme s'il voulait garder dans ses yeux le précieux tableau observé pour la dernière fois.
Caius et sa femme, à leur tour, n'ont pas réussi à cacher leurs larmes d'émotion.
Avec cet esprit résolu qui le caractérisait, le fils de Cneius Lucius ne s'est pas rendu compte des appréhensions de ses enfants. Il partit sereinement, suivi des deux employés de Caius Fabrice qui ne l'abandonneraient pas un seul instant.
Mais avant que le bateau n'arrive à Alexandrie, il se mit à sentir une recrudescence de son mal organique. La nuit, il ne réussissait pas à se débarrasser de sa dyspnée inflexible et durant le jour, il était pris d'une grande faiblesse.
Cela faisait plus d'un an qu'il avait connu de près le frère Marin. Un an de plus de travaux incessants au service de la charité évangélique. Et Helvidius Lucius, qui s'était laissé fasciner par l'esprit aimant du frère des pauvres malheureux, ne voulait pas mourir sans lui prouver qu'il avait profité de ses leçons sublimes. Il n'aurait pu expliquer la profonde sympathie que le moine avait éveillée en lui. Il ne savait qu'une chose, il l'aimait avec des sentiments très paternels. Ainsi, pris de joie d'avoir appliqué ses enseignements avec dévouement et sans crainte, il attendait anxieux l'instant de le revoir et de l'informer de tous ces faits, qui, bien que tardifs, avaient extraordinairement calmé son cœur.
D'Alexandrie au monastère, il fit le voyage dans une litière spéciale avec tout le confort possible. Mais même ainsi, il est arrivé à sa destination grandement affaibli.