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«Tu crois que ceux-là qui vont prêchant une religion nouvelle, s'ils la distribuent dans le monde et y rangent les hommes c'est à cause du bruit qu'ils font, de l'habileté de leurs boniments ou du luxe de leur tapage? Mais j'ai trop écouté les hommes pour ne point comprendre le sens du langage. Et qu'il est de charrier de l'autre en toi quelque chose de fort qui est point de vue neuf et qui cherche de soi-même à s'alimenter. Il est des mots que tu jettes comme des graines, lesquelles ont pouvoir de drainer la terre et de l'organiser en cèdre. Et certes tu eusses pu semer l'olivier et l'organiser en olivier. Et l'un ou l'autre prospérera, se multipliant de par soi-même. Et certes dans le cèdre grandissant tu entendras chanter le vent de plus en plus fort. Et si la race des hyènes se multiplie tu entendras le cri des hyènes de plus en plus remplir la nuit. M'iras-tu cependant dire que c'est le bruit du vent dans les feuilles du cèdre qui y appelle les sucs de la terre, ou la magie du cri des hyènes qui change en hyène la chair des gazelles sauvages? La chair des hyènes se recrute dans la chair des gazelles, la chair du cèdre se recrute dans les sucs de la rocaille. Les fidèles de ta religion nouvelle se recrutent chez les infidèles. Mais nul jamais n'est déterminé par le langage si le langage n'a point le pouvoir d'absorber.

«Et tu absorbes quand tu exprimes. Et si je t'exprime tu es à moi. Tu deviens en moi nécessairement. Car ton langage désormais c'est moi. Et c'est pourquoi je dis du cèdre qu'il est langage de la rocaille car elle se fait, à travers lui, murmure des vents.

«Mais qui, sinon moi, te propose un arbre où devenir?»

Donc, chaque fois que j'assistais à l'action d'un homme je ne cherchais point à l'expliquer par le tintamarre de sa fanfare — car tu peux aussi bien la haïr et la rejeter — ni par l'action de ses gendarmes, car ils peuvent faire se survivre un peuple qui meurt mais non bâtir. Et je te l'ai dit des empires forts qui décapitent les sentinelles endormies, de quoi tu déduis faussement que leur force est venue de leur rigueur. Car l'empire faible, s'il décapite, là où toutes dorment, il n'est qu'un bouffon sanguinaire, mais l'empire fort emplit ses membres de sa force et ne tolère point le sommeil. L'action de l'homme, je ne cherchais même point à l'expliquer par les mots énoncés ou les mobiles ou les arguments d'intelligence, mais par le pouvoir informulable de structures nouvelles et fertiles comme il en est de ce visage de pierre que tu as regardé et qui te change.


CLXI


La nuit vint et je gravis la plus haute courbe de la contrée pour regarder dormir la ville et s'éteindre autour, dans l'obscurité universelle, les taches noires de mes campements dans le désert. Et ceci afin de sonder les choses, connaissant à la fois que mon armée était pouvoir en marche, la ville pouvoir fermé comme d'une poudrière, et qu'au travers de cette image d'une armée serrée autour de son pôle, une autre image était en marche, et en construction ses racines, dont je ne pouvais rien connaître encore, liant différemment les mêmes matériaux, et je cherchais à lire dans la nuit les signes de cette gestation mystérieuse, non dans le but de la prévoir, mais afin de la gouverner, car tous, moins les sentinelles, ils sont allés dormir. Et reposent les armes. Mais voici que tu es navire dans le fleuve du temps. Et a passé sur toi cet éclairage du matin, de midi et du soir comme l'heure de la couvée, faisant quelque peu progresser les choses. Puis l'élan silencieux de la nuit après le coup de pouce du soleil. Nuit bien huilée et livrée aux songes car seuls se perpétuent les travaux qui se font tout seuls, comme d'une chair qui se répare, des sucs qui s'élaborent, du pas de routine des sentinelles, nuit livrée aux servantes car le maître est allé dormir. Nuit pour la réparation des fautes, car leur effet en est reporté au jour. Et moi, la nuit, lorsque je suis vainqueur, je remets à demain ma victoire.

Nuit des grappes qui attendent la vendange, réservées par la nuit, nuit des moissons en sursis. Nuit des ennemis cernés dont je ne prendrai livraison qu'au jour. Nuit des jeux faits, mais le joueur est allé dormir. Le marchand est allé dormir, mais il a passé les consignes au veilleur de nuit qui fait les cent pas. Le général est allé dormir mais il a passé les consignes aux sentinelles. Le chef de bord est allé dormir mais il a passé la consigne à l'homme de barre, et l'homme de barre ramène Orion qui se promène dans la mâture là où il faut. Nuit des consignes bien données et des créations suspendues.

Mais nuit aussi où l'on peut tricher. Où les maraudeurs s'emparent des fruits. Où l'incendie s'empare des granges. Où le traître s'empare des citadelles. Nuit des grands cris qui retentissent. Nuit de l'écueil pour le navire. Nuit des visitations et des prodiges. Nuit des réveils de Dieu — le voleur — car celle-là que tu aimais tu peux bien l'attendre au réveil!

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