«Car il m'est apparu que soumettre c'était recevoir et placer. Je soumets la pierre au temple et elle ne reste point en vrac sur le chantier. Et il n'est point de clou dont je ne serve le navire.
«Je n'écouterai pas le plus grand nombre, car ils ne voient point le navire, lequel est au-dessus d'eux. Si étaient en plus grand nombre les forgeurs de clous ils soumettraient les scieurs de planches à la vérité des forgeurs de clous et il ne naîtrait point de navire.
«Je ne créerai point la paix de la termitière par un choix vide et des bourreaux et des prisons malgré qu'ensuite viendrait la paix, car, créé par la termitière, l'homme le serait pour la termitière. Mais peu m'importe de perpétuer l'espèce si elle ne transporte point ses bagages. Le vase certes est le plus urgent, mais c'est la liqueur qui fait son prix.
«Je ne concilierai point non plus. Car concilier c'est se satisfaire de l'ignominie d'un mélange tiède où se sont conciliées des boissons glacées et brûlantes. Et je veux sauver les hommes dans leur saveur. Car tout ce qu'ils cherchent est souhaitable, leurs vérités sont toutes évidentes. C'est à moi de créer l'image qui les absorbe. Car la commune mesure de la vérité des scieurs de planches et de la vérité des forgeurs de clous, c'est le navire.
«Mais viendra l'heure, Seigneur, où tu auras pitié de mon déchirement dont je n'ai rien refusé. Car je brigue la sérénité qui rayonne sur les litiges absorbés et non la paix du partisan qui est faite moitié d'amour moitié de haine.
«Lorsque je m'indigne, Seigneur, c'est que je n'ai point encore compris. Quand j'emprisonne ou exécute c'est que je ne sais point couvrir. Car celui-là qui se fait une vérité fragile, comme de préférer la liberté à la contrainte, ou la contrainte à la liberté, faute de dominer un langage vain dont les mots se tirent la langue, celui-là se sent bouillir de colère quand on le prétend contredire. Si tu cries fort, c'est que ton langage est insuffisant et que tu cherches à couvrir les voix des autres. Mais en quoi, Seigneur, m'indignerais-je si j'ai accédé à ta montagne et si j'ai vu se faire le I travail à travers les mots provisoires? Celui qui me viendra, je l'accueillerai. Celui qui s'agitera contre, moi, je le comprendrai dans son erreur et lui parlerai doucement afin qu'il revienne. Et rien de cette douleur ne sera concession, flagornerie ou appel du suffrage, mais de ce qu'à travers lui je lirai si clairement le pathétique de son désir. Le faisant mien puisque je l'ai lui aussi absorbé. La colère ne rend pas aveugle: elle naît d'être aveugle. Tu t'indignes contre celle-là qui montre sa hargne. Mais elle t'ouvre sa robe, tu vois ce cancer, et tu pardonnes. Pourquoi t'irriterais-tu contre ce désespoir?
«La paix que je médite se gagne à travers la souffrance. J'accepte la cruauté des nuits blanches car je suis en marche vers toi qui es énoncé, effacement des questions, et silence. Je suis arbre lent mais je suis arbre. Et grâce à toi je drainerai les sucs de la terre.
«Ah! j'ai bien compris de l'esprit, Seigneur, qu'il domine l'intelligence. Car l'intelligence examine les matériaux mais l'esprit seul voit le navire. Et si j'ai fondé le navire, ils me prêteront leurs intelligences pour habiller, sculpter, durcir, démontrer le visage que j'aurai créé.
«Pourquoi me refuseraient-ils? Je n'ai rien apporté qui les brime mais les ai délivrés chacun dans son amour.
«Et pourquoi le scieur de planches scierait-il moins si la planche est planche pour navire?
«Voici que les indifférents eux-mêmes qui n'avaient point reçu de place se convertiront vers la mer. Car tout être cherche à convertir et à absorber en soi ce qui est autour.
«Et qui saurait prévoir les hommes s'il ne sait assister au navire? Car les matériaux n'enseignent rien sur leur démarche. Ils ne sont point nés s'ils ne sont point nés dans un être. Mais c'est une fois assemblées que les pierres peuvent agir sur le cœur de l'homme par la pleine mer du silence. Quand la terre est drainée par la graine de cèdre, je sais prévoir le comportement de la terre. Et si j'ai connu l'architecte, tels matériaux du chantier, je connais vers quoi il penche, et qu'ils aborderont des îles lointaines.»
CLXXV