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travail. Et les gestes manques tu ne les remarques plus. Car ce peuple penché sur l'ouvrage, bon gré mal gré, édifie ses palais ou ses citernes ou ses grands jardins suspendus. Ses œuvres naissent comme nécessaire-ent de l'enchantement de ses doigts. Et je te le dis, elles naissent autant de ceux-là qui manquent leurs gestes que de ceux-là qui les réussissent, car tu ne peux partager l'homme, et si tu sauves seuls les grands sculpteurs tu seras privé de grands sculpteurs. Qui serait assez fou, pour choisir un métier qui donne si peu de chances de vivre? Le grand sculpteur naît du terreau de mauvais sculpteurs. Ils lui servent d'escalier et l'élèvent. Et la belle danse naît de la ferveur à danser. Et la ferveur à danser exige que tous dansent — même ceux-là qui dansent mal — sinon il n'est point de ferveur mais académie pétrifiée et spectacle sans signification.

«Ne condamne pas leurs erreurs à la façon de l'historien qui juge une ère déjà conclue. Mais qui reprochera au cèdre de n'être encore que graine ou tige ou brindille poussée de travers? Laisse faire. D'erreur en erreur se soulèvera la forêt de cèdres qui distribuera, les jours de grand vent, l'encens de ses oiseaux.»

Et mon père disait pour conclure:

«Je te l'ai déjà dit. Erreur de l'un, réussite de l'autre, ne t'inquiète point de ces divisions. Il n'est de fertile que la grande collaboration de l'un à travers l'autre. Et le geste manqué sert le geste qui réussit. Et le geste qui réussit montre le but qu'ils poursuivaient ensemble à celui-là qui a manqué le sien. Celui qui trouve le dieu le trouve pour tous. Car mon empire est semblable à un temple et j'ai sollicité les hommes. J'ai convié les hommes à le bâtir. Ainsi c'est leur temple. Et la naissance du temple tire d'eux-mêmes leur plus haute signification. Et ils inventent la dorure. Et celui-là qui la cherchait sans la réussir aussi l'invente. Car c'est de cette ferveur d'abord que la dorure nouvelle est née.»


Il disait ailleurs:

«N'invente point d'empire où tout soit parfait. Car le bon goût est vertu de gardien de musée. Et si tu méprises le mauvais goût tu n'auras ni peinture, ni danse, ni palais, ni jardins. Tu auras fait le dégoûté par crainte du travail malpropre de la terre. Tu en seras privé par le vide de ta perfection. Invente un empire où simplement tout soit fervent.»

Mes armées étaient lasses comme d'avoir porté un lourd fardeau. Mes capitaines me venaient voir:

«Quand rentrons-nous chez nous? Le goût des femmes des oasis conquises ne vaut pas le goût de nos femmes.»

L'un me disait:

«Seigneur, je rêve de celle-là qui est faite de mon temps, de mes disputes. Je voudrais revenir et planter à l'aise. Seigneur, il est une vérité que je ne sais plus approfondir. Laisse-moi croître dans le silence de mon village. Ma vie, j'éprouve le besoin de la méditer.»

Et je compris qu'ils avaient besoin de silence. Car dans le silence seul, la vérité de chacun se noue et prend des racines. Car le temps d'abord compte comme dans l'allaitement. Et l'amour maternel lui-même est d'abord fait d'allaitement. Et qui voit croître l'enfant dans l'instant? Personne. Ce sont ceux qui viennent d'ailleurs qui disent: «Comme il a grandi!» Mais la mère ni le père ne l'ont vu grandir. Il est devenu, dans le temps. Et il était à chaque instant, ce qu'il devait être.

Voilà donc que mes hommes avaient besoin de temps, ne fût-ce que pour comprendre un arbre. Pour s'asseoir chaque jour sur la marche du seuil en face du même arbre aux mêmes branches. Et peu à peu voilà que l'arbre se révèle.

Car ce poète, un soir auprès du feu dans le désert, racontait simplement son arbre. Et mes hommes l'écoutaient dont beaucoup n'avaient jamais vu qu'herbe à chameau et palmiers nains et ronces. «Tu ne sais pas, leur disait-il, ce qu'est un arbre. J'en ai vu un qui avait poussé par hasard dans une maison abandonnée, un abri sans fenêtres, et qui était parti à la recherche de la lumière. Comme l'homme doit baigner dans l'air, comme la carpe doit baigner dans l'eau, l'arbre doit baigner dans la clarté. Car planté dans la terre par ses racines, planté dans les astres par ses branchages, il est le chemin de l'échange entre les étoiles et nous. Cet arbre, né aveugle, avait donc déroulé dans la nuit sa puissante musculature et tâtonné d'un mur à l'autre et titubé et le drame s'était imprimé dans ses torsades. Puis, ayant brisé une lucarne dans la direction du soleil, il avait jailli droit comme un fût de colonne, et j'assistais, avec le recul de l'historien, aux mouvements de sa victoire.

«Contrastant magnifiquement avec les nœuds ramassés pour l'effort de son torse dans son cercueil, il s'épanouissait dans le calme, étalant tout grand comme une table son feuillage où le soleil était servi, allaité par le ciel lui-même, nourri superbement par les dieux.

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