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Cependant si tu le rencontres et qu'il te regarde, il est celui-là et non un autre. Calme et sûr de soi il s'appuie sur la caution fondamentale qui ne lui sert de rien pour l'instant. Il n'use de rien mais rien ne lui manque. Il est bien appuyé sur l'assise des pâturages, des champs d'orge et des palmeraies qui sont siennes. Les champs sont en repos. Les granges dorment encore. Les batteurs de blé ne font point voler leur lumière. Mais il les contient tous dans son cœur. Ne marche point ici n'importe qui, c'est le maître qui lentement dans ses luzernes se promène…

Bien aveugle celui qui n'aperçoit l'homme que dans ses actes, qui croit que l'acte le montre seul, ou l'expérience tangible ou l'usage de tel avantage. Ce qui compte pour l'homme n'est point ce dont il dispose dans l'instant, car mon promeneur dispose à peine de la poignée d'épis qu'il pourrait froisser dans les mains ou du fruit qu'il pourrait cueillir. Celui-là qui me suit dans la guerre est plein du souvenir de sa bien-aimée: qu'il ne peut ni voir ni toucher ni serrer dans ses bras et qui ne songe même pas à lui, puisqu'en cette heure du petit jour où il respire l'étendue et sent la pesée qui le tire, sur sa couche tellement lointaine elle n'est même pas vivante au monde. Mais comme absente et morte. Mais endormie. Et cependant l'homme est chargé de ce qu'elle existe, chargé d'une tendresse dont il n'use point et qui dort, oubliée d'elle-même, comme les grains dans la réserve, chargé de parfums qu'il ne respire pas, chargé d'un murmure de jet d'eau qui fait le cœur de sa maison et qu'il n'entend point, chargé lui aussi du poids d'un empire qui le fait différent des autres.

Ou cet ami que tu rencontres et qui porte en lui son enfant malade. Malade au loin. Dont il ne sent pas de la main la fièvre, et dont il n'entend pas les plaintes. Et qui ne change rien de sa vie dans l'instant même. Et cependant il t'apparaîtra comme écrasé par le poids d'un enfant dans son cœur.

Ainsi celui-là qui vient de l'empire et ne saurait ni l'embrasser d'un seul coup d'œil ni user de ses provisions ni en recevoir le moindre avantage, mais qui en est agrandi dans son cœur comme le maître du domaine ou le père de l'enfant malade ou celui qu'enrichit l'amour lorsque la bien-aimée non seulement est lointaine mais endormie. Seul compte pour l'homme le sens des choses.


Certes, je le connais, le forgeron de mon village qui me vient et me dit:

«Peu m'importe ce qui ne me concerne point. Si j'ai mon thé, mon sucre, mon âne bien nourri et ma femme à côté de moi, si mes enfants progressent en âge et en vertu, alors je suis pleinement heureux et je ne demande plus rien d'autre. Pourquoi ces souffrances?»

Et comment serait-il heureux s'il est seul au monde dans sa maison? S'il habite avec sa famille une tente perdue dans le désert? Je l'oblige donc à se corriger:

«Si tu retrouves le soir d'autres amis sous d'autres tentes, si ceux-là ont quelque chose à te dire et t'enseignent les nouvelles du désert…»

Car je vous ai vus, ne l'oubliez pas! Je vous ai vus autour des feux nocturnes occupés de rôtir le mouton ou la chèvre et j'ai entendu vos éclats de voix. Je me suis donc à pas lents et dans le silence de mon amour approché de vous. Vous parliez certes de vos fils, et de celui-là qui grandit et de celui-là qui est malade, vous parliez certes de la maison, mais sans trop insister. Et vous ne commenciez de vous animer que lorsque s'asseyait le voyageur qui débarquait de sa caravane lointaine et vous développait les merveilles de là-bas et les éléphants blancs d'un prince et le mariage à mille kilomètres de celle-là dont vous saviez à peine le nom. Ou encore ce remue-ménage des ennemis. Ou qui racontait cette comète ou cet affront ou cet amour ou ce courage devant la mort ou cette haine contre vous ou cette grande sollicitude. Alors vous étiez pleins d'espace et liés à tant de choses, alors elle prenait sa signification votre tente aimée et haïe, menacée et protégée. Alors vous étiez pris dans un réseau miraculeux qui vous changeait vous-même en plus vaste que vous…

Car vous avez besoin d'une étendue que le langage seul en vous délivre.

Je me souviens de ce qu'il advint d'eux quand mon père parqua les trois mille réfugiés berbères dans un Camp au nord de la ville. Il ne voulait point qu'ils se mélangeassent avec les nôtres. Comme il était bon, il les nourrit et les alimenta en étoffes, en sucre et en thé. Mais sans exiger leur travail contre les dons de sa magnificence. Ainsi n'eurent-ils plus à s'inquiéter pour leur subsistance et chacun eût pu dire: «Peu m'importe ce qui ne me concerne point. Si j'ai mon thé, mon sucre et mon âne bien nourri et ma femme à côté de moi, si mes enfants progressent en âge et en vertu alors je suis pleinement heureux et je ne demande rien d'autre…» Mais qui eût pu les croire heureux? Nous allions parfois les visiter quand mon père désirait m'enseigner.

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