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Car tu ne deviens que contre ce qui te résiste. Et puisque rien de toi n'est exigé par le loisir et que tu pourras aussi bien l'user à dormir sous un arbre ou dans les bras d'amours faciles, puisqu'il n'y est point d'injustice qui te fasse souffrir, de menace qui te tourmente, que vas-tu faire pour exister sinon réinventer toi-même le travail?

Mais ne t'y trompe point, le jeu ne vaut rien car il n'est point là de sanction qui te contraigne d'exister en tant que joueur de ce jeu-là. Et je refuse de confondre celui-là qui se couche pour l'après-midi dans sa chambre, fût-elle vide et protégée du jour pour le repos des yeux, avec l'autre que j'ai condamné et muré pour la fin des jours dans sa cellule, malgré que les deux soient semblablement étendus, malgré que les deux cellules soient également vides, malgré que la même lumière soit répandue dans l'une et l'autre. Et malgré encore que le premier prétende jouer au condamné qui est enfermé pour la vie. Va les interroger à la tombée du premier jour. Le premier rira d'un jeu pittoresque, mais les cheveux de l'autre, tu découvriras qu'ils ont blanchi. Et il ne saura point te raconter l'aventure qu'il vient de vivre tant il manquera de mots pour la dire, semblable à celui-là qui, ayant gravi une montagne et de la crête découvert un monde inconnu dont le climat l'a changé pour toujours, ne peut se transporter en toi.

Les enfants seuls plantent un bâton dans le sable, le changent en reine et éprouvent l'amour. Mais si je désire, moi, par de tels moyens, augmenter les hommes et les enrichir de ce qu'ils éprouvent, il me faut de ce bâton-là faire une idole, l'imposer aux hommes, et les contraindre à des offrandes qui les grèveront de sacrifices.

Alors le jeu cessera d'être jeu. Le bâton deviendra fertile. L'homme deviendra cantique de crainte ou d'amour. De même que la chambre de la même après-midi tiède, si la voilà cellule pour la vie, tire de l'homme une apparition qui s'ignorait et le brûle dans la racine de ses cheveux.

Le travail t'oblige d'épouser le monde. Celui qui laboure rencontre des pierres, se méfie des eaux du ciel ou les souhaite, et ainsi communique et s'élargit et s'illumine. Et chacun de ses pas se fait retentissant. De même la prière et les règles d'un culte qui te force bien de passer par là et t'oblige d'être fidèle ou de tricher, de goûter la paix ou le remords. Ainsi le palais de mon père qui obligeait les hommes d'être ceux-là et non plus un bétail informe dont les pas n'eussent point eu de sens.


LXX


Certes d'abord elle était belle cette danseuse dont la police de mon empire s'était saisie. Belle et mystérieusement habitée. Il m'apparut qu'en la connaissant seraient connues des réserves de territoire, de calmes plaines, des nuits de montagne et des traversées de désert par plein vent.

«Elle existe», me disais-je. Mais je la savais de coutumes lointaines et travaillant ici pour une cause ennemie. Cependant, lorsque l'on tenta de forcer son silence, mes hommes n'arrachèrent qu'un sourire mélancolique à son impénétrable candeur.

Et moi j'honore d'abord ce qui dans l'homme résiste au feu. Humanité de pacotille, ivre de vanité et vanité toi-même, tu te considères avec amour comme s'il était en toi quelqu'un. Mais il te suffit d'un bourreau et d'un peu de braise agitée pour te faire vomir par toi-même, car il n'est rien en toi qui aussitôt ne fonde. Cet opulent ministre m'ayant par sa morgue déplu, et par ailleurs ayant comploté contre moi, ne sut point résister aux menaces, me vendit les conjurés, se confessa, suant de peur, de ses complots, de ses croyances, de ses amours, étala devant moi sa tripaille — car il en est qui ne cachent rien derrière leurs faux remparts. A celui-là donc quand il eut bien craché sur ses complices et abjuré:

«Qui t'a bâti? lui demandais-je. Pourquoi cette opulence de ventre et cette tête rejetée en arrière et ce pli des lèvres si solennel? Pourquoi cette forteresse s'il n'est à l'intérieur rien à défendre? L'homme est celui qui porte en soi plus grand que lui. Et ta chair flasque, tes dents branlantes, ton ventre lourd, tu les sauves comme essentiels en me vendant ce qu'ils eussent dû servir et en quoi tu prétendais croire! Tu n'es qu'une outre, pleine d'un vent de paroles vulgaires…»

Celui-là, lorsque le bourreau lui rompit les os, fut laid à voir et à entendre.

Mais celle-là, quand je la menaçai, ébaucha devant moi une révérence légère:

«Je regrette, Seigneur…»

Je la considérai sans plus rien dire et elle prit peur. Blanche déjà, et, d'une révérence plus lente:

«Je regrette, Seigneur…»

Car elle pensait qu'il lui faudrait souffrir.

«Songe, lui dis-je, que je suis maître de ta vie.

— J'honore, Seigneur, votre pouvoir…»

Elle était grave de porter en elle un message secret et de risquer par fidélité d'en mourir.

Et voilà qu'elle devenait à mes yeux tabernacle d'un diamant. Mais je me devais à l'empire:

«Tes actes méritent la mort.

— Ah! Seigneur… (elle était plus pâle que dans l'amour)… Sans doute sera-ce juste…»

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