Lilou et Oscar s’adoraient. Cela n’avait jamais semblé logique à Fanny, puisque sa relation avec Lilou s’était clairement détériorée à la suite de la naissance d’Oscar, mais Lilou semblait n’en avoir jamais tenu rigueur à son petit frère. Elle s’était toujours occupée de lui, inventant des jeux sans fin, lui lisant des histoires avec une patience infinie qui ne se manifestait en aucune autre circonstance. D’ailleurs, elle disait toujours « mon petit frère », il n’avait jamais été question de « demi » fraternité entre eux. Oscar, quant à lui, regardait sa demi-sœur avec une telle adoration qu’elle effrayait parfois Fanny. Il fallait toutefois bien admettre que prendre soin d’Oscar était la seule chose pour laquelle elle se fiait à sa belle-fille. Par ailleurs, quand Lilou était avec son frère, au moins, elle ne se livrait pas à une de ces idioties dont elle seule avait le secret.
— Oui, tu peux y aller, mais ne rentrez pas après dix-huit heures.
— Tu me files des thunes pour le goûter ?
Fanny fouilla dans son sac et lui tendit dix euros.
— Pas de produits transformés, tu n’as qu’à acheter une banane et des galettes de riz sans sucre.
— Fun… Il n’y a pas à dire, tu sais faire plaisir aux enfants. Au fait, c’est vrai que tu connaissais cette fille qui s’est fait assassiner ?
— Non, pas du tout, mentit Fanny.
Lilou ouvrit la bouche, sembla hésiter et la referma.
— Quoi encore ? soupira Fanny.
— Je savais pas… Pour ta mère… Je suis désolée. C’est dur de perdre sa mère, même quand on est vieux.
La tristesse subite de la voix de Lilou prit Fanny par surprise. Elle secoua la tête et répondit :
— Merci. Mais ce n’est pas… Ce n’est pas comme toi, quand tu as perdu ta maman. Ma mère et moi, on ne s’entendait pas.
— Ah oui ? Et sinon, pourquoi tu parles jamais de ta sœur ? J’ai toujours pensé que t’étais aussi relou parce que t’étais fille unique.
— On ne s’entend pas non plus, répliqua Fanny sans relever l’insulte.
— C’est fou, le nombre de gens avec qui tu t’entends pas, FC... Tu t’es jamais dit que peut-être tu avais un problème ? T’as déjà pensé à aller voir un psy ?
Fanny prit une grande inspiration pour contrôler son énervement.
— Toi qui te mets toujours tout le monde à dos, tu devrais savoir que tenter de plaire à tout le monde n’est qu’une vaste perte de temps.
— C’est pas faux… Elle s’appelle comment ta sœur, d’ailleurs ?
— Angélique, lança Fanny. Ton Uber sera là dans deux minutes, tu connais le chemin, je ne te raccompagne pas…
Document de travail
Affaire Sarah Leroy – année 1995
Il me semble important de vous en dire un peu plus sur Éric et Benjamin Chevalier, les demi-frères de Sarah, acteurs primordiaux de cette histoire. Les frères Chevalier avaient respectivement quinze et dix ans quand ils sont arrivés à Bouville. C’était juste avant la rentrée en sixième d’Angélique et Sarah. Benjamin, qui commençait aussi le collège, se retrouva dans l’autre classe de sixième. Éric, lui, entrait en seconde dans le même établissement. De la sixième à la terminale, tous les adolescents du coin fréquentaient le collège-lycée Victor-Hugo de Saint-Martin, y compris moi.
Dès son arrivée à Victor-Hugo, Éric Chevalier a commencé à déchaîner les passions. Chaque fois qu’il arrivait au bout d’un couloir, avec son blouson Schott NYC kaki qui faisait ressortir ses yeux de la même couleur, les têtes se tournaient. Joues rosissantes, chuchotements énamourés et rires en douce, le temps ralentissait et les cœurs s’accéléraient. Il exhibait un mélange explosif de confiance en lui, d’humour ravageur et de gentillesse auquel personne ne résistait, pas même les adultes. Il n’y avait qu’à observer la prof d’arts plastiques devenir plus rouge que ses tubes de gouache quand il levait la main pour poser une question. Grâce à son aura de prince charmant, Éric enchaînait les filles comme on termine sans y prendre garde un paquet de chips qu’on a sorti du placard avec l’idée de n’en manger qu’une ou deux. Machinalement. Parce qu’elles étaient à disposition et qu’il n’avait qu’à tendre une main nonchalante pour qu’elles tombent comme des mouches sous GHB. De la sixième à la terminale, nous voulions toutes être celle qui le rendrait fidèle, l’élue, la fille dont il tomberait éperdument amoureux et qu’il emmènerait sur son cheval blanc vers le soleil couchant, en mode « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Éric n’y était pas pour grand-chose, il n’avait rien demandé. Et les filles n’étaient pas plus responsables de la compétition féroce que sa présence générait. On a tous le droit de rêver. On cherche tous, au fond, l’Amour avec un grand « A ». Ce n’était la faute de personne, ces cœurs, ces parcours scolaires et ces amitiés brisés, sacrifiés sur l’autel d’un grand amour, formaté depuis l’enfance à grands coups de contes de fées, de Barbie princesse et de magazines féminins.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
Любовное фэнтези, любовно-фантастические романы / Приключения в современном мире / Проза / Современная русская и зарубежная проза / Самиздат, сетевая литература / Фэнтези / Современная проза