Les premiers jours, Angélique a caché les chatons dans une panière sous son lit et les a nourris au lait de vache tiède avec un biberon volé à la pharmacie. Puis, l’odeur de la litière de fortune a alerté la mère d’Angélique qui, après avoir asséné une claque à sa fille, a déclaré qu’il était hors de question de garder ces chats chez elle.
Sarah et Angélique ont affiché des petites annonces dans les couloirs du collège, les boutiques des commerçants et les arrêts de bus. Elles ont sonné à toutes les portes de Bouville. Le septième jour, M. Follet, leur professeur de français qui se trouvait être aussi leur professeur principal et qui avait suivi de loin les événements, leur a demandé où en était leur entreprise de sauvetage. Sarah et Angélique lui ont alors expliqué que, si quelques personnes s’étaient portées volontaires pour accepter un chaton, aucune ne voulait adopter les six. Or, elles espéraient ne pas séparer la fratrie. M. Follet, ému, a proposé de s’occuper des chats. Il a toutefois refusé la responsabilité de Ris-de-veau. Ris-de-veau était non seulement le plus petit de la portée, mais il avait une patte atrophiée. Il passait ses journées roulé en boule dans un pull en laine qu’Angélique lui avait installé en guise de panier et il ne marchait toujours pas, alors que ses frères et sœurs gambadaient déjà joyeusement dans le salon de M. Follet.
— Désolé, a dit M. Follet, il n’en a plus pour longtemps, il souffre, je préfère ne pas le prendre.
La seule option restante était que Sarah héberge le chaton chez elle. C’était peu de temps après l’arrivée d’Iris Chevalier et de ses deux fils. Lors du dîner suivant, Sarah a exposé le cas de Ris-de-veau et a demandé s’il était possible de le garder à la maison.
— Hors de question, a déclaré Iris sans même la laisser finir son argumentaire, je n’ai pas envie que ma maison empeste la litière de chat, c’est une idée ridicule.
Sarah a sursauté au ton péremptoire de sa belle-mère. Jusqu’ici, Iris avait été plutôt agréable et Sarah considérait son arrivée dans la famille comme une bonne nouvelle. Sa belle-mère lui prodiguait des conseils de coiffure, elle l’avait emmenée faire du shopping à Boulogne et lui avait offert un top chez Promod et un jean Lulu Castagnette que Sarah adorait. Iris lui accordait du temps, or aucun adulte ne s’était jamais vraiment occupé de Sarah depuis la mort de sa mère. À la maison, son père l’ignorait la plupart du temps. Sarah souffrait de dyslexie et elle n’avait jamais été suivie par un orthophoniste. À l’école, puis au collège, comme elle semblait de bonne volonté malgré ses notes médiocres et qu’elle était une petite fille sage et silencieuse, les professeurs, pour ne pas l’accabler, la laissaient tranquille et finissaient par oublier sa présence discrète au troisième rang à côté de la fenêtre. Pour la plupart des gens, Sarah, dont personne ne prenait la peine de retenir le prénom, était une paraphrase : elle était « la fille de Bernard Leroy », « la fille qui a perdu sa mère », « la copine d’Angélique Courtin », puis, très vite, elle est devenue « la petite sœur d’Éric Chevalier ».
— Iris a raison, a confirmé Bernard Leroy, nous n’avons pas besoin d’un chat.
Sarah a pris son courage à deux mains et a tenté, tant bien que mal, d’argumenter, mais on lui a intimé le silence, la décision était prise. Alors, Benjamin, qui n’avait pas sorti dix mots à Sarah depuis son arrivée dans la famille, a dit :
— Moi aussi, j’aimerais bien qu’on ait un chat.
Un court silence a suivi cette déclaration. Iris a levé la tête, surprise. Elle se faisait du souci pour son plus jeune fils, trop sensible et que le déménagement et le remariage de sa mère semblaient avoir touché plus que de raison.
— Je ne savais pas que tu aimais les chats, mon chéri, a-t-elle dit d’un ton prudent.
Il a haussé les épaules.
— Ce serait sympa d’avoir un chat à la maison, c’est tout.
Bernard Leroy a regardé sa future femme d’un air interrogateur, dans l’attente d’une décision, car si l’avis de Sarah ne comptait pas, il n’en était pas de même pour celui de Benjamin. Rien ne comptait plus pour Iris que ses fils. Si Benjamin jouait deux notes sur sa guitare, c’était le prochain Kurt Cobain, si Éric shootait dans un ballon, c’était le prochain Michel Platini. Elle passait son temps à expliquer aux clientes de son institut de beauté à quel point ils étaient doués, forts et intelligents. Alors, quand, comme pour enfoncer le clou, Éric a confirmé :
— C’est vrai que ça pourrait être marrant d’avoir un petit chat.
Iris a aussitôt cédé.
— Très bien, mais vous vous en occuperez.
Sarah s’est retenue de sauter de joie et elle a promis tout ce qu’on a voulu. Après le repas, elle a timidement remercié ses demi-frères.
— Je l’ai fait parce que ça avait l’air de te faire vraiment plaisir, a déclaré Éric, mais c’est toi qui t’en occuperas, moi je n’aurai pas le temps.
— Pareil, a lancé Benjamin avant de repartir s’enfermer dans sa chambre.
Il était toujours d’accord avec son frère aîné.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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