Читаем Désenchantées полностью

Fanny et Lilou prirent donc le train jusqu’à Boulogne-sur-Mer, où elles récupérèrent une voiture de location. Fanny prit la route de la Corniche qui longeait la côte pour rejoindre leur destination. Bouville-sur-Mer était une petite station balnéaire de la côte d’Opale, située à mi-chemin entre Ambleteuse et le cap Gris-Nez. À l’origine, Bouville était un groupement de cabanes de pêcheurs au milieu des dunes. Elle devait son existence officielle à sa position stratégique : à quarante kilomètres à vol ­d’oiseau de l’Angleterre, elle avait constitué au fil des siècles l’empla­cement idéal pour surveiller l’éventuel envahisseur anglais. Sous le Second Empire, Bouville devint un lieu de villégiature pour les familles aisées de Paris et de Lille. Depuis, la petite ville était restée une station balnéaire très prisée qui avait conservé de la Seconde Guerre mondiale des champs bosselés par les trous d’obus et des plages parsemées de blockhaus. En été, la population locale était multipliée par quatre ou cinq, on pouvait croiser nombre de Belges et de Néerlandais qui mangeaient des moules-frites sur le port. Entre octobre et mars, la ville se vidait, les maisons de location et les gîtes baissaient leurs stores pour l’hiver et la mer se faisait inhospitalière. Durant certaines tempêtes hivernales, l’eau n’était plus qu’écume, blanche et tourbillonnante à perte de vue. On pouvait relever des pointes de vent de plus de cent cinquante kilomètres-heure. Des vagues, parfois aussi hautes que les maisons blanches aux volets bleus du littoral, venaient alors s’éclater avec une telle violence sur les digues qu’elles arrachaient des éclats de ciment.

Fanny, concentrée sur la route qui longeait la côte, était perdue dans ses pensées. On avait beau être fin mars, on se serait cru en novembre. Elle détestait cette ambiance, qui lui rappelait le départ de leur père, les nuits qui tombent comme des mauvaises nouvelles en plein milieu de l’après-midi et cette humidité salée et permanente qui transperçait les cirés et les pulls en viscose qui grattent, commandés en promotion dans le catalogue des Trois Suisses.

Fanny et Lilou n’avaient pas échangé trois mots du ­trajet. Lilou avait écouté de la musique ou traîné sur son téléphone, chattant en continu avec Kim, à grand renfort d’émojis et de selfies.

— C’est canon, murmura l’adolescente, plus pour elle que pour Fanny, tout en prenant des photos avec son Smartphone à travers la vitre de la voiture de location.

La route longeait le littoral. La marée était basse et le sable humide, percé de rochers noirs et de débris de ­bunkers, s’étendait jusqu’à une mer grise et agitée. « Canon » n’était pas le terme qu’aurait utilisé Fanny, mais elle comprenait ce que Lilou voulait dire. Fanny suivit les instructions du GPS jusqu’à l’hôtel qu’elle avait réservé, une grosse bâtisse blanche aux volets bordeaux, au milieu de hautes herbes agitées par le vent, un peu à l’écart du centre-ville. Elle gara la voiture à l’arrière du bâtiment.

— Ça caille ici, on ne va pas chez ta sœur ? demanda Lilou en remontant la capuche de son sweat.

Fanny empoigna sa valise et fit signe à Lilou de prendre son sac.

— Non.

— Tu nous as pris deux chambres, j’espère ? C’est pas parce que j’ai accepté de t’aider pour ton article qu’il faut croire qu’on a élevé les cochons ensemble.

Fanny ouvrit la bouche pour faire remarquer vertement à Lilou qu’elle ne lui avait jamais demandé de l’accompagner, mais elle se ravisa. Elle avait, de fait, pris deux chambres, ne tenant pas plus que sa belle-fille à partager son espace.

Un épais tapis recouvrait le sol de la réception. La chaleur qui les accueillit fit à Fanny l’effet d’une étreinte réconfortante.

— Qu’est-ce qui vous amène ? s’enquit avec curiosité la femme derrière le comptoir, un peu forte, les cheveux courts et grisonnants, la cinquantaine bien tassée.

— Un événement familial, répondit Fanny.

La femme attrapa les lunettes papillon qui pendaient sur sa poitrine au bout d’une chaînette et les rajusta sur son nez pour mieux examiner Fanny.

— Je connais tout le monde dans le coin…

— Je suis Fanny Courtin, mes parents avaient le restaurant sur le port, Le Comptoir du Fort.

— Oh l’aînée des Courtin, mais bien sûr ! La petite Fanny ! Tu viens pour l’enterrement. Je ne t’aurais jamais reconnue, ma jolie, qu’est-ce que tu as maigri ! Tu étais toute ronde avant ! On n’a pas le temps de manger à Paris ? Je suis désolée pour ta mère, j’ai appris la nouvelle, c’est bien triste. Pourquoi tu ne loges pas chez Angélique ? Elle a la place pourtant…

Fanny se raidit face à cette avalanche de chaleur et de questions. L’allusion à son poids passé, plus que tout le reste, l’avait crispée.

— Angélique ne sait pas que je suis ici…

— Ah, oui ? Vous vous êtes disputées ? Enfin, ça ne me regarde pas. Je suis Dominique, vous pouvez m’appeler « Domi », comme les notes de musique. Et voilà ta fille ? Tu t’appelles comment ?

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