— Iris veut que j’aille à la piscine trois fois par semaine.
Assise en tailleur dans le salon des Courtin, Sarah tressait un bracelet brésilien avec des fils de coton. Angélique, qui n’avait ni la patience ni la délicatesse pour ce genre d’exercice, jouait à Tetris, affalée sur le vieux canapé marron, tout en aspirant bruyamment par la paille le fond d’une brique de Candy’Up à la fraise.
Depuis que son mari avait quitté le domicile, quelques mois plus tôt, Marie-Claire Courtin avait enlevé toutes les photos sur lesquelles il figurait. Elle ne les avait pas remplacées. Des cadres vides trônaient désormais au-dessus de la télé, parfaits symboles d’un départ dont Angélique, sa sœur et sa mère, faute d’explication, ne se sont jamais vraiment remises.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de piscine ? a demandé Angélique, les sourcils froncés, en reposant le jeu électronique fauché à sa grande sœur.
Sarah, toujours penchée sur son ouvrage, a rougi.
— Iris dit que c’est important de faire du sport, alors j’ai choisi la natation, j’aime bien nager.
— Tu aimes nager l’été dans la mer… Tu ne vas pas aller trois fois par semaine à la piscine, c’est complètement débile.
— Iris dit que je dois prendre plus soin de mon apparence. Avec mon père qui veut être maire de Bouville, on doit tous être réprochables.
— « Irréprochables », a corrigé Angélique. C’est quoi son problème exactement à ta belle-mère ?
Sarah a haussé les épaules, sans répondre. Et Angélique a senti qu’elle ne pourrait plus contenir longtemps le ressentiment qui grondait en elle depuis l’arrivée d’Iris dans la vie de Sarah, quelques mois plus tôt. Horaires de dîners à respecter, événements sociaux le week-end… Angélique voyait de moins en moins Sarah. Petit à petit, Iris avait modifié le mode de vie des Leroy du tout au tout, restreignant de plus en plus la liberté de sa belle-fille. « La famille passe avant tout », répétait-elle sans cesse. Et la famille Leroy, Angélique n’en faisait pas partie, Iris le lui faisait bien comprendre. Jamais elle ne lui proposait de rester dîner, jamais elle ne lui posait la moindre question. Angélique, qui avait l’habitude d’attirer les compliments des adultes et d’accaparer l’attention, avait tout de suite interprété cette attitude comme de l’animosité. D’autant qu’Iris invitait constamment la fille d’une de ses amies, Julie Durocher, elle aussi en sixième, mais dans une autre classe, à se joindre à elle et à Sarah pour faire du shopping ou pour aller prendre un goûter sur le port. Quelques jours plus tôt, Iris avait même exigé que Sarah retire un tee-shirt Power Rangers prêté par Angélique.
— Tu ne peux pas t’habiller comme ça, avait-elle affirmé devant cette dernière. Dans cette famille, nous ne sommes pas des ploucs.
Sarah avait juré qu’Iris ignorait la provenance du tee-shirt, mais dans la mesure où Angélique l’avait porté la semaine précédente chez les Leroy, il n’y avait que Sarah pour croire à une maladresse involontaire de la part de sa belle-mère.
— C’est moi, la plouc qui lui ai prêté, avait déclaré Angélique avec insolence en regardant Iris droit dans les yeux.
Iris avait eu un léger haussement d’épaules et n’avait pas répondu. Pour Angélique, c’était déjà une déclaration de guerre ; et cette histoire de piscine, c’était la goutte d’eau en trop.
Elle s’est campée au milieu du salon, les bras croisés sur sa poitrine.
— Elle a déjà réaménagé la moitié de ta maison, collé des bougies parfumées dans toutes les pièces, elle t’explique comment tu dois t’habiller, parler, te comporter, et maintenant tu vas aller trois fois par semaine à la piscine ? C’est pas ta mère, Sarah !
— C’est pas très grave. On pourra toujours se voir le week-end et les mardis et jeudis… C’est pour la carrière de mon père, il sera maire un jour, tu sais, et elle ne veut pas que mon comportement nuise à sa réputation.
— Tu répètes tout ce qu’elle dit comme un perroquet ! En quoi c’est ton problème, la carrière politique de ton père ?
— On est une famille, on doit se soutenir les uns les autres.
— Oui, oui, je sais… et pour ça aussi qu’il faut que Benjamin se tape l’incruste quand on va chez toi !
Sarah a levé la tête de ses fils de coton, les sourcils légèrement froncés.
— Pourquoi tu n’aimes pas Benjamin ? Je l’aime vraiment bien, tu sais.
— Oui, j’avais remarqué ! Benjamin par-ci et Benjamin par-là, si beau et si parfait… Il n’y a qu’à voir comment tu le regardes pour comprendre que tu es raide dingue de lui !
Sarah a rougi.
— Angélique, tu ne peux pas parler comme ça de mes frères.
— C’est pas tes frères ! Il y a neuf mois, tu les connaissais même pas !
— C’est ma famille, maintenant, tu…
— Iris t’achète, voilà ce qu’elle fait, coupa Angélique, elle t’emmène faire du shopping et il suffit d’un pantalon Zara pour que tu lui obéisses comme un petit chien.
— Arrête.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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