Читаем Désenchantées полностью

Involontairement, Iris a fait un cadeau précieux à Sarah en la forçant à prendre ces cours de natation. Sarah avait-elle un don particulier ou était-ce simplement parce que peu d’adolescents de son âge passaient autant de temps à faire des longueurs dans la piscine municipale ? Toujours est-il qu’elle s’est découvert un véritable talent pour la nage. Les compliments qu’elle ne recevait jamais, les remarques de plus en plus fréquentes qu’Iris ne manquait pas de lui faire sur son corps trop fort, ses épaules trop larges, tout, ici, avait une raison d’être. Dans le regard de Mlle Chalou, la professeure de natation, elle existait enfin. Très vite, comme Angélique l’avait pressenti, les masques sont tombés et Iris a sorti ses griffes. Ses observations, anodines en apparence, sur le physique de sa belle-fille, ses résultats scolaires médiocres, son incapacité à réussir quoi que ce soit, agissaient sur Sarah comme des gouttes d’acide, laissant chacune une minuscule cicatrice que seule la caresse de l’eau savait soigner. Dans la piscine, Sarah était comme un poisson dans l’océan. Mieux que ça. Elle était l’océan. Elle adorait le silence, la concentration, la sensation d’être coupée du monde alors qu’elle fendait les flots bleus, légère, débarrassée des contraintes de son corps, de sa famille. Libre, enfin. Quand elle sortait, épuisée, du bassin carrelé, elle s’allongeait quelques minutes sur les gradins, enveloppée dans sa serviette et les effluves de chlore. Elle se laissait envahir par un sentiment de plénitude inconnu jusqu’alors. Elle n’était à sa place qu’ici, avec son maillot humide, flottant dans la moiteur ambiante, l’écho flou des cris et les bruissements d’éclaboussures.

Angélique s’ennuyait un peu en l’absence de son amie, mais elle a très vite compris que la natation était vitale pour Sarah. Elle l’écoutait parler avec enthousiasme de ses temps, ses distances, ses mouvements… Elle hochait la tête et, même si elle n’y connaissait rien, elle l’encourageait. Les mois ont passé, et ces moments sont devenus les seuls moments où elle reconnaissait la Sarah d’avant. Elle sentait que son amie avait changé, mais elle n’aurait pas su expliquer comment. Quand elle l’inter­rogeait, Sarah riait et lui faisait remarquer, à juste titre, qu’Angélique avait changé, elle aussi. C’était la vie. Sarah ne parlait plus jamais d’Iris ou de sa famille depuis leur dispute, et Angélique ne pouvait qu’acquiescer, sans arriver à croire que tout se passait bien dans la maison des Leroy. Angélique avait changé parce que son père était parti, sa mère faisait une dépression qu’elle noyait dans la Heineken et le Get 27 et sa sœur ne pensait qu’à s’enfuir le plus loin possible dès qu’elle aurait passé le bac. Sarah, elle, était supposée avoir retrouvé un foyer accueillant et protecteur. Elle aurait dû s’épanouir, pas avoir l’air de se faner peu à peu.

À treize ans, Angélique semblait avoir esquivé l’âge ingrat. Progressivement, toutefois, les réactions à sa beauté s’étaient transformées. À la place de la tranche de saucisson chez la bouchère, elle avait droit à un regard désapprobateur sur son décolleté, non seulement le fils du fromager ne lui proposait plus de goûter le saint-nectaire, mais il devenait aussi rouge qu’un Babybel et perdait l’usage de la parole dès qu’elle apparaissait dans la boutique. Quant au maraîcher, au lieu de lui offrir des abricots, il s’était mis à lui proposer des bananes, puis il gardait les yeux fixés sur sa bouche, comme hypnotisé par le mouvement de ses lèvres. Résultat, Angélique a arrêté d’accompagner sa mère faire les courses, alors même que c’était le seul moment qu’elles passaient ensemble.

Depuis qu’elle avait fait trois heures de queue pour voir Titanic au cinéma, Leonardo DiCaprio et Kate Winslet avaient remplacé les Spice Girls sur le poster au-dessus de son lit. Angélique, pourtant, n’était pas passionnée par les histoires de garçons. Comme n’importe quelle fille de son âge, elle discutait des histoires d’amour de Premiers Baisers ou d’Hélène et les garçons dont Sarah raffolait, mais au fond, elle préférait regarder Friends, la nouvelle série qui passait sur France 2 et qui lui donnait des envies d’aller vivre à New York. Elle s’imaginait, plus tard, travailler dans la mode ou devenir paléontologue, à l’instar de Rachel ou Ross. Angélique voulait suivre la voie de sa grande sœur. Elle rêvait de partir ailleurs, de vivre en colocation, peut-être de s’envoler un jour pour Londres ou la Californie, le plus loin possible de Bouville et du restaurant de son enfance. Rien, pour elle, n’aurait pu être pire que de rester coincée ici comme sa mère, à servir des touristes quatre mois par an et à galérer à payer les factures les huit mois restants. Elle rêvait d’être libre, de vivre sa vie à sa guise, sans contraintes. Les garçons, on verrait plus tard, d’abord il fallait être indépendante. C’est ce que lui avait enseigné Fanny qui réussissait tout.

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