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Elle avala son café d’un trait et briefa l’assistante (Audrey ? Ambre ? Elle n’arrivait jamais à se souvenir) sur les changements à effectuer dans son agenda. Un quart d’heure plus tard, elle repartait vers le métro. Maman est morte. Elle penserait plus tard à ce texto. Elle répondrait ce soir, elle demanderait à Esteban. Esteban était toujours de bon conseil. En attendant, il fallait occulter cet événement et gérer cette journée, de toute évidence, de merde. Elle ferma les yeux, inspira et s’imagina passant une main affectueuse dans les cheveux d’Oscar. Quand elle angoissait, quand elle sentait sa respiration s’accélérer, il lui suffisait de s’imaginer serrant contre elle son petit garçon, humant son odeur de savon pour bébé, sa joue tiède et toute douce. Elle sentit la tension se relâcher. Il ne fallait surtout pas qu’elle commence à penser à Angélique. Ce n’était pas le moment de paniquer.

*

Document de travail

Affaire Sarah Leroy – années 1992 à 1995

Que dire d’Angélique si ce n’est qu’elle n’a fait honneur à son prénom que sur un temps très court ? Avec ses joues rondes et innocentes, ses immenses yeux d’un bleu pur, petite, elle était souvent surnommée Boucles d’or. Tous les hivers depuis ses quatre ans, affublée d’une paire d’ailes en carton, on la plantait dans la crèche vivante à la sortie de l’église pour jouer l’ange Gabriel. Angélique a de ce fait vécu une période un peu mystique, pendant laquelle elle accrochait des portraits de Thérèse d’Avila au-dessus de son lit. Persuadée d’être élue par le Seigneur, elle s’affamait avec enthousiasme pendant le carême, s’astreignait à quatre bonnes actions et trois Je vous salue Marie par jour et reversait scrupuleusement tout son argent de poche dans la panière de la quête. Un jour, au catéchisme, Angélique a évoqué son ambition de devenir prêtre. On lui a évidemment ri au nez et, effondrée d’apprendre qu’un pénis était indispensable à la bonne animation d’une messe, elle a sombré dans une déprime qui a sonné la fin de ses ambitions ecclésiastiques. Sa grande sœur, Fanny, a essuyé ses larmes. Elle l’a aidée à remplacer par des posters des Backstreet Boys et des 2Be3, ses icônes et ses portraits de saintes qu’elles ont tenté sans succès de brûler dans l’évier de la cuisine. À partir de ce moment-là, Angélique n’a plus eu ni Dieu ni maître et a commencé à faire très exactement ce qu’elle voulait, quand elle le voulait, sans plus tolérer la moindre contrainte extérieure. Elle mentait à tout bout de champ, chapardait des bonbons à la boulangerie qu’elle mangeait en cachette dans le cimetière, son royaume. Et puis, a eu lieu cet événement bien connu de tous ceux qui ont ­fréquenté le collège-lycée Victor-Hugo dans les années 1990, qu’on nomme « L’incident du hangar à bateaux », et les choses ont sérieusement dégénéré. Mais je m’égare, retournons plutôt à nos ­moutons, à savoir, Sarah Leroy.

Les mois de juillet et août 1992 sont passés comme si ­l’univers de Sarah ne venait pas de s’effondrer, comme si l’écoulement des jours avait encore un sens quand on a huit ans et perdu sa maman. Aladdin, sorti l’hiver précédent, passait encore au petit cinéma de Bouville. Pour lui changer les idées, Angélique a emmené Sarah voir le dessin animé dix-sept fois. Sans payer, évidemment. Elle lui a appris à se faufiler par la sortie au moment où les spectateurs d’une autre séance quittaient l’établissement. Après ces séances, elles hurlaient les chansons d’Aladdin en tournoyant dans le cimetière ; les pierres tombales faisant office de tapis volants. Elles rejouaient les scènes qu’elles connaissaient par cœur sur la plage de sable gris, qui se transformait dans leur imagination fertile en désert doré des Mille et Une Nuits.

Sarah s’est mise à passer l’essentiel de son temps avec cette nouvelle amie tombée du ciel. Ses copines étaient pour la plupart parties en vacances et son père restait toute la journée enfermé dans son bureau. Le père de Sarah, Bernard Leroy, travaillait à la mairie de Bouville-sur-Mer. Il « s’investissait dans le futur de la commune » (c’est ironique, vous noterez les guillemets). Rapidement, Vanessa, comptable à la mairie, a commencé à dîner souvent chez Sarah. C’est la seule dont Sarah se souviendrait par la suite. Son cerveau n’a imprimé ni les prénoms ni les visages des quelques autres femmes qui ont précédé sa belle-mère.

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