Un peu plus de neuf mois plus tard, Sarah Leroy disparaissait.
Aujourd’hui,
Lilou
Lilou sauta le petit déjeuner et enfourcha son vélo après avoir envoyé un texto à sa belle-mère : « Je vais me promener. » Tout compte fait, c’était plutôt agréable, cette histoire de vélo. Elle transpirait dans les côtes et respirait dans les descentes, le vent salé dans la figure, la mer à perte de vue et un sentiment de liberté et de solitude qui faisait s’envoler ses problèmes au collège, le regard réprobateur de Fanny et l’absence de son petit frère qui lui manquait. Le hasard l’emmena devant la grille rouillée et cadenassée qui protégeait le petit cimetière où la mère d’Angélique et Fanny avait été enterrée. En contrebas, se dressait, austère, l’église de pierres grises où s’était tenue la messe. Lilou appuya son vélo contre la grille et l’escalada pour sauter à pieds joints sur l’herbe mal entretenue. Lilou était une habituée des cimetières. Elle allait voir sa mère au moins une fois par mois, elle changeait les fleurs et nettoyait la pierre douce et lisse de sa tombe. La seule chose pire que de mourir, c’était d’être oublié. Elle n’avait pas peur de ces lieux de paix et de repos, pour les vivants comme pour les morts. Et celui-ci, perché sur la falaise, lui avait paru être un endroit particulièrement approprié pour une dernière demeure. Sur la tombe de Marie-Claire Courtin, les bouquets étaient encore frais. Une tache rouge vif attira l’attention de Lilou sur une sépulture discrète, un peu plus loin ; une de ces stèles que l’oubli avait recouvertes de mousse et de fientes de mouettes et qui donnaient à celles soigneusement entretenues des morts plus récents un air ostentatoire, presque de mauvais goût. Elle s’approcha. C’était une rose rouge, déposée sur la tombe sale et nue, qui avait capté son regard. S’il y avait eu des plaques commémoratives sur cette tombe, elles avaient été emportées par les tempêtes ou les années. Lilou gratta la mousse et fit apparaître le nom gravé dans la pierre « Claudette Leroy ; 1961-1992 ». Elle ramassa la rose, la fit tourner lentement entre ses doigts. Le jour de l’enterrement, Angélique avait apporté un imposant bouquet de roses rouges qui avaient été jetées sur le cercueil par les proches de la défunte. Quelqu’un avait gardé une rose et l’avait déposée sur la tombe abandonnée de la mère de Sarah. Qui ? Angélique ? Fanny ? Quelqu’un d’autre ?
Si elle n’était un jour plus là pour le faire, Lilou aimerait que quelqu’un s’occupe de la tombe de sa mère. Alors, elle s’accroupit et entreprit de nettoyer la dernière demeure de Claudette Leroy. Elle gratta la mousse avec ses ongles, retira les mauvaises herbes comme elle le put et replaça soigneusement la rose où elle l’avait trouvée. Puis, elle sortit son carnet et un crayon et dessina la stèle et la fleur, l’envol des mouettes et l’écume des vagues qui se brisaient au loin. Sarah était venue dans ce cimetière petite, elle avait enterré sa mère comme Lilou avait enterré la sienne, à peu près au même âge. Lilou avait le sentiment qu’elle était liée à Sarah par un même chagrin, que si elles s’étaient rencontrées, elles se seraient comprises. Sarah Leroy avait sans doute grandi comme elle, avec un manque au creux du cœur, une douleur fantôme qui se faisait plus forte les jours de chagrin et les dimanches soir. Puis quelqu’un avait fait du mal à Sarah. Quelqu’un l’avait fait disparaître et ne lui avait même pas laissé la possibilité d’être enterrée à sa place, ici, aux côtés de sa maman, avec vue sur la mer. Pour Lilou, avoir séparé la mère et l’enfant pour l’éternité était presque aussi grave que d’avoir tué Sarah. Elle hésita, puis rajouta sur son dessin, sous le nom de la mère, celui de la fille : « Sarah Leroy ; 1985-2001 » pour qu’au moins, dans son univers de fiction, les deux soient enfin réunies. Elle rangea son carnet. Si elle ne découvrait pas ce qui était vraiment arrivé à Sarah, qui le ferait ?
Décidée à poursuivre ses recherches, elle monta sur son vélo et se rendit dans le centre de Bouville. Quand elle sonna à l’interphone de l’appartement d’Angélique, au-dessus du restaurant, elle n’obtint pas de réponse. Peut-être Angélique sortait-elle tous les matins pour promener Obi-Wan. Lilou s’assit sur le muret qui bordait la digue de béton et attendit en envoyant des photos des vagues à Kim. Soudain, un aboiement joyeux lui fit lever la tête. Obi-Wan courait vers elle avec enthousiasme. Lilou sourit et rangea son téléphone pour accueillir le jeune chien qui lui lécha affectueusement le visage.
— Salut, dit Angélique en s’approchant, qu’est-ce que tu fais là ?
— Je me baladais, je me suis dit que je pouvais passer te voir.
— OK, monte.
Lilou suivit Angélique, qui, comme la fois précédente, sortit la clé du pot de fleurs pour ouvrir la porte.
— Tu veux un chocolat chaud ? Tu as l’air d’avoir froid.
— Oui, je veux bien, merci.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
Любовное фэнтези, любовно-фантастические романы / Приключения в современном мире / Проза / Современная русская и зарубежная проза / Самиздат, сетевая литература / Фэнтези / Современная проза