Angélique a sorti son agenda et arraché une page au hasard, ce qui en disait long sur l’importance qu’elle accordait à ses devoirs. Elle y a griffonné quelque chose à l’aide d’un quatre-couleurs mordillé. Benjamin a lu le message, perplexe.
— Ça veut dire quoi ? Parce que si c’est encore pour vous insulter ou vous mettre des claques, je préférerais que tu te trouves un autre intermédiaire.
— Elle comprendra, a dit Angélique en refermant sa trousse, et ne lui donne qu’à elle, n’en parle à personne et surtout pas à ton connard de frère.
Sur ces mots, elle a tourné les talons, suivie par Morgane et Jasmine, plantant là Benjamin, le mot à la main.
— Tu peux nous expliquer ce qui se passe ? a exigé Morgane. Tu es allée chez eux après t’être battue avec Sarah ? Tu cherches les problèmes ou quoi ?
— Je ne peux pas vous en parler pour le moment, a simplement répondu Angélique, c’est compliqué.
Aujourd’hui
Fanny
Fanny et Angélique sortirent de chez le notaire vaguement sonnées, comme si ces dernières procédures administratives entérinaient définitivement le décès de leur mère. Fanny examinait sa petite sœur dans la lumière de fin d’après-midi. Les cheveux d’Angélique étaient attachés à la hâte en une queue-de-cheval floue dont s’échappaient quelques mèches plus claires, souvenir d’une couleur qu’elle avait dû faire deux ans plus tôt et jamais entretenue par la suite. Elle portait un jean usé, une polaire bleue du genre premier prix chez Décathlon ; quant à la parka militaire qui lui faisait office de manteau, Fanny savait qu’elle avait appartenu trente ans plus tôt à leur père. Aucun maquillage, aucune altération de ses traits harmonieux, de ses lèvres aux proportions parfaites, si bien dessinées, rarement souriantes et perpétuellement gercées en hiver.
Plus jeune, Fanny se rappelait avoir ressenti de la jalousie pour la beauté d’Angélique et les compliments qui pavaient le chemin de sa petite sœur, comme un tapis de lumière. Aujourd’hui, si elle était honnête avec elle-même, elle n’enviait pas tant la beauté de sa sœur, mais plutôt son indifférence manifeste face à ces questions de physiques. Fanny était la grande sœur à l’apparence quelconque, boulotte et sérieuse, Angélique était la petite sœur solaire devant qui tout le monde s’extasiait. Une fois, Fanny avait entendu sa mère dire que la fée qui s’était penchée sur leur berceau avait donné la beauté à l’une, l’intelligence à l’autre. Cela l’avait doublement blessée, parce que non seulement c’était méchant, mais surtout c’était faux. En plus d’être la plus jolie, Angélique avait d’étonnantes facilités en classe, elle s’en sortait très bien en faisant le strict minimum, tout du moins jusqu’à la fin de la quatrième. Si leur mère y avait prêté la moindre attention, Angélique aurait pu faire des études. Mais personne ne s’était soucié d’Angélique une fois sa grande sœur partie. Fanny avait paniqué quand Angélique, en terminale, était tombée enceinte. Elle était rentrée, elle avait essayé de la convaincre de ne pas garder l’enfant, puis de poursuivre malgré tout ses études, soudain consciente que quelque chose avait gâché le potentiel de sa petite sœur. Angélique n’avait rien voulu entendre. Fanny était persuadée qu’Angélique voyait dans cette grossesse une excuse officielle pour arrêter les cours, qu’elle séchait déjà dans leur quasi-totalité. Elles s’étaient disputées. Fanny n’était pas venue voir Mia à la maternité, elle avait cessé de répondre à sa petite sœur, et au fil des années, le lien s’était rompu.
— On peut aller boire un café ? proposa Angélique, je voudrais te parler de quelque chose.
Fanny hocha la tête. Elle se sentait soulagée. Sa mère, contre toute attente, avait pris le temps de faire un testament. Elle n’y disait pas grand-chose, si ce n’est que ses filles pouvaient vendre le restaurant pour payer les dettes qu’elle leur laissait. Elle n’attendait pas d’elles qu’elles le gardent. Les deux sœurs s’attablèrent dans un café. Fanny commanda un thé et Angélique un café allongé.
— Je voudrais te racheter ta part du restaurant, expliqua Angélique, mais je n’ai pas l’argent pour le moment. J’ai fait des calculs, je pourrais te verser une rente, tu serais en quelque sorte actionnaire du restaurant le temps que je puisse te rembourser.
Elle posa devant Fanny un tableau récapitulant sur dix ans les bénéfices qu’elle espérait faire et les versements qu’elle prévoyait de faire à sa sœur. Fanny analysa le document.
— C’est quoi cette ligne ?
— Je pensais louer l’appartement l’été entre juin et septembre, ça ferait un revenu supplémentaire.
— Et tu habiteras où ?
— Je louerai un studio.
— Et qu’est-ce qui te fait croire que Le Comptoir du Fort deviendra rentable ? Maman a bossé toute sa vie comme une folle et tu as vu les dettes qu’elle nous laisse…
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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