Lilou se retourna et plaqua son oreiller sur sa tête pour échapper à sa belle-mère.
— Lâche-moi, c’est la nuit, grogna-t-elle.
— Il est sept heures ! L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !
Lilou repoussa l’oreiller et fixa Fanny avec l’envie de l’étrangler. Hier, elle l’avait presque trouvée sympa et voilà qu’elle se remettait à être insupportable.
— Mais t’es complètement malade ! Tu as oublié de prendre tes médocs ce matin ou quoi ? Je dors, là ! Quand les gens ont les yeux fermés, dans le noir, la nuit, ils dorment ! Même ça, c’est une convention sociale que t’as pas réussi à intégrer ?
— Où as-tu trouvé cette photo ?
Aussi excitée qu’une puce sous amphétamines, Fanny agitait sous son nez la photo de Sarah sur la plage.
— Avec les autres, dans les affaires d’Angélique.
— Habille-toi !
— Non, je dors.
— On a une enquête à mener ! Lève-toi !
Lilou daigna ouvrir un œil curieux.
— Je croyais que tu ne voulais pas qu’on la fasse, cette enquête…
— J’ai peut-être une idée… C’est fou, je m’emballe sans doute, mais je voudrais vérifier. Regarde !
Elle commença à étaler sur le lit de Lilou, à côté de la photo de Sarah, des clichés d’Angélique, Jasmine et Morgane l’été 2001.
— Quoi ?
— Deux choses ! D’abord, sur un certain nombre de photos, elles sont toutes les trois. Qui prend ces photos ? Ce n’est pas comme si elles avaient les moyens de se payer un appareil photo avec un retardateur, d’ailleurs, il n’y a qu’à voir la résolution des photos…
— OK… Ça veut dire quoi ? Il y a une quatrième Désenchantée ?
— Exactement !
— Et la deuxième chose ?
— On peut peut-être savoir qui ! Regarde, sur plusieurs clichés, on aperçoit un grand sac blanc. Là, sanglé sur le porte-bagages de Jasmine, sur celle-ci en arrière-plan, sur l’évier de la cuisine et là, par terre, au fond du jardin, on a l’impression qu’il y a tout un tas de ces sacs blancs !
— Et ?
— Et sur une seule photo, le logo est visible : deux poissons dans un cercle, c’est le logo du poissonnier de Bouville, mais des sacs de cette taille, ce n’est pas pour les clients, peut-être qu’elles travaillaient pour lui, qu’elles faisaient des livraisons pour des restaus ou des grossistes, parce que ce sont ceux qui étaient utilisés pour livrer le restaurant de ma mère à l’époque, je m’en souviens bien, je détestais devoir m’occuper de la livraison du poissonnier à cause de l’odeur… Bref, on va aller l’interroger, peut-être qu’il se souviendra de quelque chose. Habille-toi !
— OK, soupira Lilou.
Sarah
Je porte depuis mes treize ans le poids d’une culpabilité qu’aucun enfant ou adolescent ne devrait jamais avoir à porter. Je la porte à votre place, à la place de tous les adultes qui ne sont pas intervenus, qui ont détourné le regard, qui ont préféré s’abstenir de poser des questions et ne pas savoir. Éric, le jour de son anniversaire, m’a priée d’emmener Angélique dans le hangar à bateaux parce que, m’a-t-il dit, il voulait lui avouer ses sentiments. J’ai accepté, heureuse de participer à cette déclaration d’amour que je jugeais terriblement romantique. Quand il m’a ordonné de les laisser seuls, alors qu’Angélique titubait entre les coques de bois, j’ai obéi. Je l’ai abandonnée là, dans ce hangar sordide, avec lui. Pas un instant, je n’ai supposé qu’elle était en danger. J’ai même fantasmé que si elle sortait avec Éric, alors Benjamin pourrait sortir avec moi. Et nous serions heureux, tous les quatre, jusqu’à la fin des temps… Quand Benjamin, aussi inquiet qu’amoureux, m’a demandé où elle était, j’ai affirmé qu’elle était rentrée chez elle, jalouse de l’intérêt qu’il lui portait. En plus du reste, ce soir-là, je leur ai brisé le cœur à tous les deux. Je suis responsable de ce qui est arrivé à ma meilleure amie.
Le lendemain, quand Angélique, en larmes, a évoqué ce qui s’était passé, je ne l’ai pas crue. J’ai rétorqué qu’Éric était incapable de lui faire du mal : il l’aimait, il me l’avait confié. Qu’est-ce qu’elle allait s’imaginer ? Toutes les filles rêvaient de sortir avec mon demi-frère, pourquoi en faisait-elle tout un drame ? J’ai voulu qu’elle se taise. J’ai eu peur des conséquences sur ma famille, sur moi, si cette histoire parvenait aux oreilles d’Iris. Alors, j’ai menti. J’ai nié l’avoir laissée seule avec Éric. Je l’ai traitée de menteuse. Et parce que ça arrangeait tout le monde de me croire, tout le monde m’a crue. Depuis des années, je vis avec ça. Pas un psy au monde ne me guérira de cette culpabilité-là.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
Любовное фэнтези, любовно-фантастические романы / Приключения в современном мире / Проза / Современная русская и зарубежная проза / Самиздат, сетевая литература / Фэнтези / Современная проза