C’est fou le nombre d’idioties qu’on a pu raconter sur moi. On veut tellement mettre les gens dans des cases, les filles surtout, qu’il fallait que je sois gentille ou méchante, populaire ou martyrisée, belle ou moche, princesse ou sorcière. Il fallait que j’aime Angélique à la folie ou que je sois sa pire ennemie, qu’on se soit disputées pour un garçon, une robe ou une histoire de jalousie du même acabit, qu’on ait voulu notre mort respective ou qu’on ait bu des mojitos jusqu’à la fin de notre vie en parlant de mecs au bar du port ou même, comme j’ai pu le lire dans certains journaux, que l’une soit tombée amoureuse de l’autre qui lui aurait brisé le cœur. Il fallait que ce soit tout ou rien. L’amitié, la vraie, avec ce qu’elle signifie de compromis, de disputes, parfois, de sentiments complexes et contradictoires, il faut croire que c’était trop compliqué à cerner pour les journalistes, la police ou les habitants de Bouville-sur-Mer qui nous avaient vues grandir. De toutes les hypothèses qui ont été faites sur mon affaire (je dis « mon affaire », car je suis, certes, célèbre, mais pas encore au point de parler de moi à la troisième personne), aucune ne s’est approchée de la vérité. Il m’est arrivé d’être jalouse d’Angélique, je l’admets. Qui ne l’aurait pas été ? Elle possédait ce genre de beauté qu’on ne croise habituellement que dans les films ou dans les magazines. Et le plus impressionnant, c’était qu’elle s’en foutait. « Je ne suis pas là pour décorer. » Voilà ce qu’elle répondait avec un haussement d’épaules gracieux aux compliments qu’elle recevait comme des bons points, jusqu’à l’incident du hangar à bateaux. Non. Pas l’incident, pardon. Je l’ai tellement entendu, tellement répété.
Une fois, Iris m’a dit l’air de rien, alors qu’elle arrangeait un bouquet de fleurs comme la parfaite maîtresse de maison qu’elle était : « Angélique est tellement belle, à côté d’elle, tu es totalement invisible, ton insignifiance la met en valeur. » Iris balançait ce genre de commentaires assassins sur le ton avec lequel on fait un compliment. Toujours au moment où je m’y attendais le moins. Quand je passais dans le couloir pour aller dans la salle de bains au réveil, quand je traversais l’entrée, mon sac déjà sur le dos pour aller au collège. Victoire par KO en un dixième de seconde. J’avais l’impression qu’elle m’avait passée au lance-flammes avec un sourire poli. Parfois, quand j’étais concentrée sur mes devoirs, elle arrivait par-derrière et elle pinçait un peu de peau entre son pouce et son index, sur le côté de la poitrine ou à la naissance du cou, toujours sous le tee-shirt. Il ne fallait pas laisser de marques. Elle pinçait et tournait en même temps en enfonçant dans ma chair ses ongles rouge grenat. Parfois, la nuit, je rêvais que je les lui arrachais un par un.
Un jour, j’ai essayé de parler d’Iris à mon père. Des humiliations, des pincements, des cheveux tirés en douce et de son abominable méchanceté. Je pleurais et il s’est emporté.
— Tu te rends compte de tout ce qu’Iris fait pour toi ? Tu as beaucoup de chance d’avoir une belle-mère qui s’occupe autant de toi, alors que tu n’es même pas sa fille. Fais un effort et ne viens plus m’embêter avec ces enfantillages.
Ce jour-là, j’ai compris que j’étais seule. Je n’avais pas le choix, alors j’ai appris à encaisser, à vivre avec Iris, à l’éviter, à anticiper ses colères et à serrer les dents. Je n’ai plus jamais pleuré. Pleurer, c’est pour les faibles. Sauf dans l’eau. Parce que, dans l’eau, ça ne se voit pas.
Qu’elle crève.
Qu’ils crèvent tous.
Je vous vois. Je sais ce que vous pensez. Vous ne savez rien de ce que j’ai vécu, vous n’avez rien enduré de ce que j’ai souffert. Et déjà, vous me jugez. Même le droit à la colère, du haut de vos privilèges, vous voulez me l’arracher.
Sauf Angélique, mon âme sœur, mon ange gardien.
Angélique, que j’ai trahie.
Aujourd’hui,
Lilou
— Réveille-toi !
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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