Morgane et Angélique m’ont sortie de la baignoire et les glaçons se sont éparpillés sur le carrelage avec un crépitement de mitraillette. Jasmine, blême, tenait encore le chronomètre à la main. Angélique a ouvert le placard et, d’un seul geste, a fait basculer toutes les serviettes de bain sur mon corps.
— Elle est toute bleue. On devrait la mettre sous l’eau chaude, a murmuré Jasmine.
— Surtout pas, s’est exclamée Morgane qui m’enroulait dans les serviettes avec des gestes paniqués, le choc thermique pourrait la tuer !
— Il faut la porter dans le lit, le sol est trempé, aidez-moi, a ordonné Angélique.
Elles ont attrapé mon corps inerte pour le porter jusqu’à la chambre et le glisser sous la couette. Mon front a heurté le coin d’un meuble ou l’encadrement d’une porte, peut-être. J’ai ressenti un choc à l’arcade sourcilière, mais aucune douleur. Mes terminaisons nerveuses ne répondaient plus.
— Putain ! Tu lui as fracassé le crâne ! a hurlé Jasmine.
— L’arcade, ça saigne toujours beaucoup, a rétorqué Morgane, c’est rien, glisse sa veste sous sa tête qu’on n’en mette pas partout.
J’ai senti sous mon crâne la douceur familière de ma veste en daim puis, sur mon corps glacé, les couvertures qu’elles ont empilées sur moi. Je ne sais pas si j’ai reconstitué ce souvenir ou si je suis vraiment sortie de mon corps, mais je me suis vue, allongée sur le lit d’Angélique dans l’appartement au-dessus du restaurant, les lèvres bleues et les mèches raidies par la glace étalées sur un oreiller à fleurs.
— Il faut la réchauffer, a murmuré Angélique en s’allongeant à côté de moi.
Elle m’a serrée contre elle de toutes ses forces. Morgane et Jasmine, en silence, sont venues m’étreindre à leur tour. Nous nous sommes retrouvées toutes les quatre, enlacées sur ce lit.
— Réveille-toi, chuchotait Angélique en larmes à mon oreille, réveille-toi, tu peux le faire, tu es forte, tu es une guerrière, réveille-toi, je t’en supplie, tu vas t’en sortir, on va te sortir de là, je te le jure.
Angélique, de plus en plus paniquée, touchait mon visage et mes mains raidies par le froid, espérant me communiquer un peu de sa chaleur. Puis, en désespoir de cause, elle m’a giflée et a hurlé :
— Putain, réveille-toi, Leroy ! Tu n’as pas le droit de mourir ! Je t’interdis de me faire ce coup-là !
Immédiatement, j’ai ouvert les yeux. Les deux autres ont poussé un hurlement de joie.
— Combien j’ai fait ? ai-je croassé, incapable de contrôler le claquement de mes dents.
Jasmine s’est précipitée pour ramasser le chronomètre qu’elle avait laissé tomber par terre :
— Dix minutes, vingt-quatre secondes. L’eau était à huit degrés.
J’ai souri, triomphante, avant de déclarer d’une voix enrouée :
— Record battu.
— Tu es folle, s’est énervée Morgane, tu es supposée y aller progressivement, tu aurais pu mourir d’hypothermie !
— Je n’ai pas le temps d’y aller progressivement, ai-je répondu en claquant des dents, il me faudra entre treize et quinze heures pour traverser la Manche, l’eau sera entre douze et seize degrés, je ne peux pas laisser le froid me ralentir. Si la nuit tombe avant que j’arrive à Douvres, je suis morte.
Morgane a secoué la tête, plus pâle que le mur blanc derrière elle. Elle était contre, elle a toujours été contre, et jusqu’à la dernière minute, elle a essayé de me dissuader. Il faut lui reconnaître ça.
Quand j’ai enfin réussi à m’asseoir sur le lit, j’ai constaté que la doublure de la jolie veste en daim sur laquelle ma tête reposait était couverte de sang.
Aujourd’hui,
Fanny
— Elle s’est noyée, répondit Angélique avec douceur à la question de Lilou.
— Elle n’a pas voulu mettre de combinaison, murmura Angélique, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes disputées la veille de son départ sur la plage. Elle a voulu suivre les règles imposées aux nageurs qui traversent pour l’exploit sportif.
— C’est cette dispute qui a été vue par un témoin et rapportée à la police, poursuivit Morgane. C’était déjà du suicide de tenter la traversée sans bateau, mais sans combinaison, avec les méduses, le froid… elle n’avait aucune chance, j’ai essayé de l’en empêcher, mais c’était son choix de partir dans ces conditions.
Lilou, pleine d’espoir, se tourna vers Angélique.
— Mais, ce n’est pas parce que vous n’avez plus eu de nouvelles qu’elle a échoué, non ? Si ça se trouve, elle est vivante quelque part… Tu ne crois pas ?
Angélique posa une main réconfortante sur l’épaule de Lilou.
— Si elle avait réussi, elle nous aurait prévenues.
— Et Éric Chevalier, demanda Fanny, ça ne vous pose pas de problème d’avoir envoyé un homme innocent en prison ?
— Éric Chevalier n’était pas un homme innocent, coupa Jasmine. Il a violé Angélique quand elle avait treize ans, alors qu’il était déjà majeur et il a violé Sarah à de nombreuses reprises.
— C’est pour ça qu’elle voulait partir, murmura Lilou, choquée, c’était pour lui échapper.
Fanny fixait sa petite sœur, les yeux pleins de larmes.
— Je suis désolée, si j’avais su, je…
— Tu ne pouvais pas savoir, souffla Angélique.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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