— La question, interrompit Morgane, dans la mesure où on ne va pas réécrire le passé, c’est : qu’est-ce que vous voulez faire de la vérité maintenant que vous la connaissez ?
Fanny observa Morgane sans comprendre. La culpabilité lui avait coupé la respiration. Comment avait-elle pu ne pas comprendre ? Toutes ces années, elle avait pensé qu’il était arrivé quelque chose à Angélique, mais elle n’avait pas su être là pour elle… Sans réfléchir, elle traversa la pièce et vint serrer sa petite sœur contre elle. Cette dernière, stupéfaite, mit quelques secondes à lui rendre son étreinte.
— Je vais bien, murmura-t-elle la voix tremblante d’émotion, ne t’inquiète pas, c’était il y a longtemps et ce n’est pas ta faute.
— Ton article sur Sarah Leroy…, insista Morgane après un silence attendri, est-ce que tu as l’intention de publier toute cette histoire ?
Avec tout ça, Fanny avait complètement oublié le magazine. Évidemment, elle tenait un scoop. Catherine serait aux anges, ce n’était pas juste un dossier sur la disparition de Sarah Leroy, ça devenait « La vérité sur la disparition de Sarah Leroy », la révélation de l’année, ce serait les meilleures ventes de la décennie…
— Je ne sais pas…, répondit-elle honnêtement. Qu’est-ce que vous voulez, vous ?
Jasmine haussa les épaules.
— Que ça reste secret, évidemment !
Morgane fronça les sourcils.
— Pas nécessairement, je suis fatiguée de vivre avec le poids de la condamnation d’Éric Chevalier sur ma conscience.
Jasmine eut un geste indifférent de la main.
— Il a eu ce qu’il méritait, ce n’est que justice.
— Non, justement, contesta Morgane en secouant la tête, ça n’a rien à voir avec la justice. Il devrait être jugé pour ses crimes, pas pour un meurtre qu’il n’a pas commis.
Jasmine leva les yeux au ciel.
— Il n’aurait jamais été condamné pour ses vrais crimes, tu le sais très bien. Ce n’est pas toi qui as affirmé récemment dans une interview que quatre-vingt-dix-huit pour cent des plaintes pour viol finissent en non-lieu et que le viol est
— J’ai aussi dit qu’on ne pouvait pas renoncer à la présomption d’innocence.
— La présomption d’innocence pour les violeurs, c’est présumer que la victime ment, s’énerva Jasmine, alors qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que les agresseurs ont beaucoup plus de raisons de mentir que les victimes !
— Je n’ai pas dit que c’était un système idéal, répliqua Morgane sans se départir de son calme, mais c’est le nôtre et on ne peut pas accepter que chacun règle ses comptes dans son coin et appeler ça la justice.
— Bon, interrompit Fanny, on ne va pas débattre du système judiciaire, peut-être qu’il faudrait vous mettre d’accord… Angélique ? Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
Angélique jouait machinalement avec son briquet, le regard rêveur.
— Je ne sais pas, finit-elle par répondre, je n’ai jamais réussi à avoir un avis aussi tranché sur cette question que Morgane ou Jasmine.
— En tout cas, si tu décides de raconter notre histoire, intervint Morgane,
Elle se dirigea vers la table basse et saisit la pile de carnets empilés.
— Voici tous nos journaux intimes. Notre professeur de français, M. Follet, nous a toujours poussées à en tenir un. Dedans, tu trouveras le récit de notre enfance et de multiples détails sur toute cette histoire. On a même celui de Sarah…
— Comment ça se fait ? interrogea Lilou, surprise.
— L’été de son départ, on a toutes partagé nos journaux respectifs, comme une sorte d’acte de confiance mutuelle.
— OK, murmura Fanny en saisissant les cahiers que Morgane lui tendait.
— Mais si vous n’êtes pas d’accord entre vous, a demandé Lilou, qu’est-ce qu’il va se passer ? C’est Fanny qui décidera de publier ou pas son article ?
Morgane sourit à Jasmine et celle-ci éclata de rire, toute trace d’agacement effacé de son visage.
— On se mettra d’accord ou on votera et la majorité l’emportera, parce que nous sommes une entité et, dans notre histoire, le « nous » a toujours supplanté le « je ».
Sarah
L’été qui a précédé la traversée, Iris et Benjamin sont partis dans le Cantal chez la mère d’Iris, qui a eu la bonne idée de se casser le col du fémur en tombant dans les escaliers. Éric est parti en Espagne avec sa petite amie du moment. Même si ses visites nocturnes s’étaient espacées depuis qu’il était avec elle, j’ai eu l’impression de réapprendre à respirer.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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