Fanny brandit triomphalement son passeport et le rangea dans son sac à main.
— Bon, on y va ?
Lilou hocha la tête, pensive, et tirant sa valise derrière elle, suivit Fanny dans l’ascenseur.
— T’as souvent des problèmes de passeport, non ?
— Pourquoi tu dis ça ? demanda Fanny, distraite, tout en consultant ses e-mails sur son téléphone.
— Le voyage à New York, ton passeport périmé, quand tu as foutu les vacances en l’air, par exemple…
Fanny haussa les épaules, toujours penchée sur son téléphone.
— Comme je te l’ai déjà expliqué, il n’était pas du tout périmé, c’était une erreur administrative, ils prétendaient que j’étais listée comme immigrée illégale.
Fanny descendit de l’ascenseur, mais au bout de quelques mètres, elle constata que Lilou était restée derrière et tapait sur son Smartphone avec frénésie.
— Tu viens ?
— Je vérifie un truc. Dis-moi, en 2001, tu avais les cheveux châtains et au carré ?
Fanny plissa le front.
— Probablement, c’est la coiffure que j’ai eue pendant des années…
— Ah voilà ! Aux États-Unis, quand tu es touriste, tu peux rester douze semaines sur le territoire, c’est écrit là. Au-delà, tu es considéré comme immigré clandestin.
— Je vois mal comment j’aurais pu rester plus de douze semaines dans un pays où je n’ai jamais mis les pieds.
— Toi, tu n’y es peut-être jamais allée, lança Lilou en souriant, mais ton passeport si.
Fanny fixa Lilou quelques longues secondes et plaqua sa main sur sa bouche.
— Tu veux dire que…
— Je crois qu’Angélique a volé ton passeport et l’a donné à Sarah pour qu’elle puisse se faire passer pour une personne majeure. Si elle a réussi d’une manière ou d’une autre à rejoindre les États-Unis depuis l’Angleterre et qu’elle est restée plus de douze semaines ou qu’elle a travaillé de manière illégale là-bas sous ton identité, ça expliquerait que ton passeport ait disparu et que tu sois considérée comme une immigrée illégale aux US !
Sarah
Rien, dans ma vie, n’a été comparable à l’horreur qu’a été cette traversée. Tout le long, j’ai pensé aux humiliations, aux tortures d’Iris, aux viols d’Éric, à l’indifférence de mon père. Je n’avais pas enduré ce calvaire pour mourir seule, au milieu de cette eau glaciale. La colère m’a donné la force d’avancer. Au bout de ce que j’ai estimé être une dizaine de kilomètres, je n’en pouvais déjà plus. Les effluves de pétrole me faisaient vomir continuellement, les vagues se dressaient, immenses, comme autant de barrières à franchir, empêchant la visibilité. Les conditions n’avaient rien à voir avec celles de mon entraînement. Il y a trois marées au cours de la traversée. Quand on part de la France, la pire est la première. Je l’ai appelée Iris. Au niveau de la deuxième, il faut affronter les bancs de méduses. S’il fait beau (et je savais qu’il ferait beau, car la visibilité devait être parfaite le jour de mon départ), elles remontent à la surface. C’est une des raisons pour lesquelles Angélique était aussi catégorique sur le fait qu’il était suicidaire de nager en maillot plutôt qu’en combinaison. J’avoue que quand je les ai vues apparaître derrière mes lunettes et qu’il m’a fallu affronter leur lent ballet translucide, j’ai maudit la fierté stupide qui m’avait fait refuser la combinaison. « Vois le côté positif, avait dit Jasmine qui avait étudié la question : quand les méduses apparaîtront, ça voudra dire que tu auras fait la moitié du chemin. Il n’y a aucun moyen de leur échapper, tu passes comme si elles n’étaient pas là. » J’ai senti le frôlement de leurs tentacules, j’ai continué d’avancer.
Et puis, il y a eu le dernier tiers. Morgane m’avait prévenue, les dernières heures étaient souvent les pires, c’est ce que tous les témoignages relataient. Toute ma vie, je me rappellerai la solitude et la souffrance de ces derniers kilomètres. Je me souviens de m’être dit « encore trente minutes maximum » et d’avoir nagé encore quatre heures avant d’atteindre la plage. Cette illusion m’a sauvée. Si j’avais su à ce moment-là, après avoir surmonté les courants, les méduses, avoir vomi dans les flaques de pétrole craché par des cargos qui ont failli me tuer à maintes reprises, qu’il me restait encore quatre heures de nage, je me serais laissée couler. Je n’avais plus d’énergie, j’avais épuisé ma colère contre les vagues et les courants. Alors, j’ai pensé à ma mère, à sa douceur, aux chansons qu’elle me murmurait le soir à l’oreille, à ses bras qui m’abritaient du monde. Je ne pouvais pas renoncer, ma mère voulait que j’aie une jolie vie. Je lui devais de réussir. Sans elle, je n’aurais pas tenu. C’est grâce à l’amour que j’ai trouvé la force d’aller jusqu’au bout ; la colère à elle seule ne permet pas de gagner tous les combats.
Анна Михайловна Бобылева , Кэтрин Ласки , Лорен Оливер , Мэлэши Уайтэйкер , Поль-Лу Сулитцер , Поль-Лу Сулицер
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